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182 - ‪ÉLÉVATION DES TEMPÉRATURES, HAUSSE DES PRIX ALIMENTAIRES‬

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Publication du Earth Policy Institute
Mise à jour du Plan B
8 août 2012

 

ÉLÉVATION DES TEMPÉRATURES, HAUSSE DES PRIX ALIMENTAIRES‬

 

texte original : http://www.earth-policy.org/plan_b_updates/2012/update105

Lester R. Brown , traduit par Marc Zischka et Frédéric Jouffroy

Le prix du maïs n’a pas cessé de grimper au cours des deux derniers mois. Le 19 juillet, il a pour la première fois dépassé 8 $ le boisseau et fait entrer le monde dans un nouvel univers de prix des denrées alimentaires. D’autres records de prix pourraient bien être battus dans les semaines à venir, quand sera connue l’étendue réelle des dégâts aux cultures provoqués par la poursuite de la chaleur et la sécheresse qui accablent la Corn Belt.

Cette situation n’était absolument pas prévue. Au printemps, les agriculteurs avaient planté le chiffre record de 39 millions d'hectares de maïs. Un printemps précoce a permis aux cultures de prendre un excellent départ, conduisant le ministère de l'agriculture américain (US Department of Agriculture, USDA) à prévoir la plus grosse récolte de maïs de l'histoire.

Selon les prévisions de l'USDA du 12 juin, elle aurait du atteindre le chiffre record de 376 millions de tonnes de maïs. Mais la sécheresse qui ne touchait initialement que le sud-ouest du pays s’est étendue et amplifiée. Dans son rapport mensuel suivant daté du 11 juillet, les prévisions de l'USDA reculaient de 12 % à 329 millions de tonnes. Cela représente une baisse énorme un seul mois. La baisse réelle définitive pourrait être plus proche de 30 %, soit environ 100 millions de tonnes : le double de l’estimation de l'USDA. (Voir les données )

Cette surestimation de la récolte par l'USDA induit une sous-estimation de la hausse des prix alimentaires dans les mois à venir. Le soja bat comme le maïs ses records absolus de prix, ce qui exacerbe la pression sur les prix alimentaires.

L’estimation de production doit être réduite de façon importante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, des températures records. Le premier semestre de cette année a été le plus chaud jamais enregistré à l’échelle des Etats-Unis. Des milliers de records locaux de température journalière ont été battus. A St. Louis, Missouri, dans la partie sud de la Corn Belt aux États-Unis, fin juin et début juillet, la température est restée pendant 10 jours entre 38 à 42 °C.
Le calendrier et la fréquence des pluies permettent également d’anticiper le destin de ces cultures de maïs. L'été 2012 a été plus sec que la normale, et en particulier au centre et à l’Est de la Corn Belt. L’association de températures élevées et de faibles précipitations a conduit à une extension rapide de la sécheresse. En mai et début juin, elle ne concernait que le Sud-Ouest des États-Unis. Mais elle s'est ensuite étendue au Midwest et aux Grandes Plaines près de la frontière canadienne. A la fin juillet, elle couvrait 63 % du pays, soit le record depuis 50 ans (voir la carte).

La végétation souffre quand le thermomètre dépasse les normales saisonnières. En règle générale, l’activité de la photosynthèse croit avec la température jusqu’à 20°C. Elle est ensuite stable jusqu’à 35°C, et au delà décline rapidement pour cesser entièrement à 40°C. À de telles températures, dans les zones au climat tempéré, les plantes entrent en état de choc thermique.

La chaleur intense perturbe aussi la pollinisation. Le maïs est particulièrement vulnérable en raison de son système de pollinisation complexe. Pour que le maïs puisse se reproduire, le pollen doit tomber des inflorescences mâles du bout la tige sur les inflorescences femelles en forme de brins, ou soies, qui dépassent de chaque épi. Chacun de ces brins est relié sur l’épi à un logement contenant un grain de maïs. Pour qu’un grain puisse se développer, le pollen doit non seulement tomber sur les soies mais ensuite migrer jusqu’au grain. Quand les températures sont trop élevées, les brins sèchent rapidement, virent au brun et sont incapables de jouer leur rôle dans le processus de fertilisation.

Avec la sécheresse de cette année, selon l'USDA il ne reste d’une culture ayant démarré dans de bonnes conditions que 23 % en état “bon” à “excellent”. Il faut remonter à l’année 1988 pour retrouver un niveau supérieur de détérioration, avec une baisse de 39 % de la production.

Le sort de la récolte américaine de maïs, qui représente près de 40 % de la production mondiale, concerne le monde entier. Le maïs est désormais au sein des trois grandes céréales (maïs, blé et riz), de loin la plus importante en terme de production, avec près de 900 millions de tonnes, à comparer à moins de 700 millions pour le blé et 460 pour le riz. Le blé et le riz sont les premières denrées alimentaires dans le monde, alors que le maïs est surtout utilisé pour l’alimentation du bétail et de la volaille.

Les gens mangent peu de maïs directement, mais en consomment une énorme quantité de façon indirecte. Beaucoup de la nourriture contenue dans les réfrigérateurs est produite grâce au maïs, que ce soit le lait, les fromages, les hamburgers, les œufs, les yaourts et les crèmes glacées. Cette hausse récente des prix du maïs va faire grimper les prix alimentaires car celui-ci fait partie intégrante des cycles de production du bœuf, de porc, de la volaille, et du lait.

Une conséquence de cette hausse rapide est que la population pourrait devoir revenir à une nourriture moins carnée. Beaucoup des 3 milliards de personnes dans le monde qui étaient en train d’adopter une nourriture plus riche (dont une bonne partie en Chine) pourraient soudainement réaliser que le prix du bétail et des produits avicoles augmente beaucoup plus vite que leurs revenus, les forçant à réduire leur consommation de viande. Dans les mois à venir, nous allons sans doute voir plus de gens restreindre leur régime alimentaire que jamais auparavant dans l'histoire.

Lorsque le prix de l'une des trois grandes céréales augmente, ceux des deux autres suivent généralement. Avec la montée aujourd’hui constatée des prix du blé et du riz, la faim va progresser au sein des populations pauvres du monde, obligeant beaucoup plus de gens à se contenter d’un seul repas par jour.

La hausse actuelle des prix du maïs se produit à un moment où les prix des céréales étaient déjà élevés. Avant même cet été, les prix des céréales et du soja étaient déjà le double de ceux d'il y a six ans. Nous allons donc maintenant passer de prix élevés à des prix encore plus élevés, ce qui va presque certainement se traduire par une progression de l'insécurité alimentaire.

Le déficit record de la récolte de cette année s’inscrit dans la difficulté croissante à assurer une progression de la production alimentaire répondant à la croissance record de la demande de ces dernières années. En conséquence, les stocks tampons mondiaux de céréales vont probablement tomber de plus de 100 jours de consommation il y a 15 ans à un niveau dangereusement bas de 65 jours cette année.

Confrontés à la diminution des approvisionnements mondiaux de céréales, certains pays exportateurs pourraient bien restreindre leurs exportations, comme la Russie et l'Argentine l'ont fait par le passé. Ceci pourrait créer la panique parmi les pays importateurs, faisant encore monter leur demande d’acquisition de terres à l'étranger dédiées à leur propre production alimentaire. C'est désormais chacun pour soi.

Nous sommes devant un avenir caractérisé par la hausse des prix alimentaires, provoquée elle-même par la hausse des températures. Les vagues de chaleur et de sécheresse telles que celle de 2012 aux Etats-Unis devraient devenir plus fréquentes avec le réchauffement climatique. Les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2), gaz à effet de serre, ont augmenté de 20 % depuis 1970 et continuent à augmenter.

D’après un rapport publié par l'Académie Nationale des Sciences américaine, si la concentration de CO2 atmosphérique, actuellement de 391 parties par million (ppm), passait au-dessus de 450 ppm, le monde serait alors confronté à d'irréversibles baisses de précipitations dans plusieurs régions. L'étude a comparé les conditions à venir à celles du Dust Bowl des années 1930 aux États-Unis. Les surfaces mondiales affectées par la sécheresse sont passées de moins de 20 % de la superficie totale des terres il y a un 50 ans à près de 25 % ces dernières années.

Ceux qui nous ont précédé considéraient comme conjoncturelle la survenue d’ événements météorologique extrêmes (tels qu’une panne de mousson en Inde, une grave sécheresse en Russie, ou une canicule intense dans la Corn Belt aux Etats-Unis), avant le retour à la normale. Mais aujourd'hui, il n'y a plus de “normale” à laquelle revenir. Le climat de la Terre est désormais dans un état de fluctuation permanent.

La sécurité alimentaire va devenir toujours plus difficile à assurer de par la hausse des températures et l’extension et l’amplification des sécheresses. Le changement climatique fait désormais baisser les perspectives de récolte. Restaurer un équilibre acceptable entre l'offre et la demande alimentaire va désormais au-delà de l'agriculture. La sécurité alimentaire pourrait à l’avenir dépendre davantage de nouvelles politiques énergétiques et démographiques que de n'importe quelle politique agricole imaginable.

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Lester R. Brown est le président du Earth Policy Institute et auteur de Full Planet, Empty Plates: The New Geopolitics of Food Scarcity (Planète pleine, assiettes vides : La nouvelle géopolitique de la pénurie alimentaire, ndlt) (date de sortie : 1er octobre 2012). Consultez le site Web de l'EPI pour plus de détails sur comment pré-commander le livre. Données et ressources supplémentaires sur : http://www.earthpolicy.org .

 

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