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181 - NOUS POUVONS REFORESTER LA TERRE

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Publication du Earth Policy Institute
Extrait du livre "Basculement"
Le 31 juillet 2012

 

NOUS POUVONS REFORESTER LA TERRE

 

texte original : http://www.earth-policy.org/book_bytes/2012/wotech10_1

Lester R. Brown , traduit par Marc Zischka et Frédéric Jouffroy

La remise en état de notre environnement naturel passe par la préservation des 4 milliards d’hectares de forêts encore existantes (http://www.earth-policy.org/books/wote/wote_data_topic#forests), et la restauration de celles qui ont été perdues. Depuis le début du XXIème siècle, la couverture forestière mondiale disparaît au rythme de plus de 5 millions d’hectares par an ; les repousses annuelles à hauteur de 7,5 millions d’hectares sont loin de compenser les pertes, qui s’élèvent à près de 13 millions d’hectares. Restaurer le couvert herbacé et les forêts préserve les sols, réduit les inondations et permet de séquestrer du carbone.

La déforestation se produit principalement dans les pays émergents. En Asie, la destruction des forêts tropicales est due en premier lieu à la croissance rapide de la demande en bois d’œuvre, et de plus en plus, à l’expansion des plantations de palmiers à huile utilisée pour la production de carburant. En Amérique latine, c’est l’explosion des marchés du soja et du bœuf qui fait reculer l’Amazonie. En Afrique, le ramassage de bois de feu et le défrichage pour les besoins de l’agriculture sont les principaux responsables.

La déforestation pratiquée dans les régions tropicales ces dernières années est responsable de 2,2 milliards de tonnes d’émissions de carbone par an. Dans le même temps, la progression des forêts dans les régions tempérées a permis d’en absorber annuellement près de 700 millions de tonnes. Ce sont donc au total près de 1,5 milliard de tonnes de carbone qui sont relâchées dans l’atmosphère chaque année du fait de la déforestation, ce qui correspond à près du quart des émissions provenant des combustibles fossiles.

Heureusement, de grandes marges de manœuvre existent dans tous les pays pour agir sur la demande et ralentir ou stopper la réduction de la couverture forestière mondiale. Dans les pays industrialisés, il s’agit avant tout de réduire la quantité de bois utilisée dans la fabrication du papier. Il nous faut non seulement réduire notre consommation de papier, mais aussi le recycler dans la plus large mesure possible. Les taux de recyclage varient considérablement au sein des 10 principaux pays producteurs, et vont jusqu’au chiffre impressionnant de 91 % pour la Corée du Sud. Si tous les pays étaient aussi efficaces que la Corée du Sud, la quantité de bois utilisée pour produire du papier diminuerait de plus d’un tiers au niveau mondial.

Dans les pays en développement, l’accent doit être mis sur la réduction de l’utilisation du bois de feu. A l’échelle mondiale, ce dernier représente en effet un peu plus de la moitié de l’ensemble du bois prélevé dans les forêts. Certaines organisations d’assistance internationale, dont l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International, financent des projets visant à améliorer l’efficacité d’utilisation du bois, en favorisant l'utilisation de fourneaux modernes. A plus long terme, les pressions sur les forêts peuvent aussi être réduites par l’utilisation de fours solaires, ou même par des plaques chauffantes électriques alimentées par de l’énergie d’origine renouvelable.

L’exploitation responsable des forêts constitue un autre défi majeur. Il existe deux types de pratiques pour la production du bois d’œuvre. La première est la coupe à blanc, dévastatrice sur le plan environnemental, qui laisse derrière elle des sols érodés et qui envase ruisseaux, cours d’eau et réservoirs d’irrigation. La deuxième consiste à prélever sélectivement les arbres arrivés à maturité, ce qui laisse largement intacte la forêt exploitée, et garantit le renouvellement de la ressource.

Les plantations forestières peuvent réduire les pressions sur le couvert forestier dans la mesure où des forêts anciennes ne sont pas abattues pour dégager l’espace nécessaire à ces nouvelles plantations. En 2010, elles atteignaient 264 millions d’hectares au niveau mondial, soit plus du tiers de la surface consacrée aux céréales. Elles fournissent essentiellement les usines de pâte à papier et l’industrie du bois aggloméré, qui remplace de plus en plus le bois naturel, au fur et à mesure que les industries du bois et de la construction s’adaptent à la raréfaction des fûts de grande taille en provenance des forêts naturelles.

La sylviculture se développe désormais sous les tropiques, plus humides, et où les rendements sont bien meilleurs : alors que la production par hectare à l’est du Canada est de 4 stères par an et de 10 au sud-est des Etats-Unis, elle atteint presque 40 dans les dernières plantations Brésiliennes. L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) prévoit que la production pourrait plus que tripler entre 2005 et 2030 du fait de l’augmentation des rendements et des surfaces consacrées à ces plantations. Il est tout à fait envisageable que ce mode de production puisse un jour satisfaire l’essentiel de la demande industrielle mondiale, contribuant ainsi à la protection des dernières forêts naturelles de la planète.

Bien que l’interdiction de l’abattage puisse sembler irréaliste, les dégâts environnementaux que l’exploitation forestière a provoqués en Thaïlande, aux Philippines et en Chine ont conduit ces pays à son interdiction partielle ou totale. Ces mesures ont toutes été imposées suite à des inondations et des coulées de boues dévastatrices résultant de la perte du couvert forestier. En Chine, suite aux dégâts exceptionnels provoqués en 1998 par plusieurs semaines d’inondations ininterrompues dans le bassin du Yang-Tseu-Kiang, les autorités ont réalisé que la l’abattage ne présentait d’intérêt que pour les exploitants forestiers et non pour l’ensemble de la société. La valeur du service de régulation des inondations rendu par les forêts sur pied a été estimée à trois fois celle du bois d’œuvre qu’elles pouvaient fournir.

Des organisations environnementales internationales telles que Greenpeace et WWF ont négocié des accords visant à stopper la déforestation en Amazonie brésilienne et dans certaines parties de la forêt boréale au Canada. Dans un article paru dans Science en 2009, Daniel Nepstad et ses collègues faisaient part de deux avancées récentes qui pourraient entrainer l’arrêt la déforestation dans le bassin de l’Amazone. La première est l’objectif de réduction de la déforestation en Amazonie brésilienne annoncé en 2008, qui a conduit la Norvège à s’engager à verser un milliard de dollars en cas de progrès réalisé en ce sens. La seconde est l’émergence d’une tendance de fond observée sur les marchés du bœuf et du soja, qui consiste à éliminer les fournisseurs impliqués dans la déforestation en Amazonie.

Un effort de plantation est en fin de compte nécessaire pour simultanément préserver les sols et séquestrer du carbone. Cet objectif implique de replanter des arbres par milliards sur des millions d’hectares de terres dégradées par la perte de leur couverture forestière, et sur les terres agricoles et pâturages trop peu productifs.

Conscient du rôle central joué par les forêts dans la régulation du climat, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a étudié le potentiel de séquestration de CO2 que peuvent générer les plantations d’arbres et les pratiques intelligentes de gestion forestière. Il apparaît que chaque nouvel arbre planté sous les tropiques capte en moyenne 50 kg de CO2 atmosphérique pendant les 20 à 50 années de sa croissance, contre 13 kg dans les régions tempérées ; la plupart des meilleures opportunités de reboisement se trouvent donc dans les pays tropicaux.

Ce plan mondial de reboisement pour séquestrer le CO2 atmosphérique serait financé par les pays industrialisés qui en sont les principaux émetteurs. La plantation d’arbres et l’arrêt de la déforestation sont relativement peu coûteuses lorsque on les compare par rapport à d’autres stratégies de lutte contre le changement climatique. Ces actions permettent également des gains plusieurs fois supérieurs à l’investissement initial. Un organisme indépendant pourrait être créé pour administrer et surveiller cette vaste entreprise de plantation. Il est essentiel de la mettre en place avant que le réchauffement ne compromette les chances de survie des arbres replantés.

De nombreuses initiatives de plantation d’arbres sont déjà en cours. La kenyane Wangari Maathai, prix Nobel de la Paix, a organisé une action de ce type il y a des années ; sous sa houlette, 30 millions d’arbres ont été replantés par des femmes au Kenya et dans les pays voisins. Elle est l’inspiratrice de la “ Campagne pour un milliard d’arbres ” gérée par le Programme pour l’Environnement des Nations Unies, lancé en 2006, et maintenant suivie par la fondation Plantons pour la planète. Fin 2011, près de 12 milliards d’arbres avaient déjà été plantés Si la moitié de ces arbres survit, l’impact sera non négligeable quand on sait qu’un milliard d’arbres permettent de stocker 11,2 millions de tonnes de carbone.

Certains pays s’engagent eux-mêmes dans des projets de reforestation. Sur ce plan, la Corée du Sud est par bien des aspects un modèle pour le reste du monde. A la fin de la guerre de Corée, il y a un demi-siècle, ce pays montagneux était largement déboisé, autant que l’est aujourd’hui Haïti. Au début des années 60, sous l’impulsion du président Park Chung Hee, le gouvernement sud-coréen a lancé un vaste programme national de reforestation. De nos jours, la forêt couvre presque 65 % du pays, soit plus de 6 millions d’hectares. Alors que je traversais en voiture la Corée du Sud en novembre 2000, j’ai été frappé par ces vastes étendues de forêts s’étendant sur des montagnes, qui, une génération auparavant, étaient complètement dénudées. Nous pouvons reboiser la Terre !

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Adapté de "Basculement" livre de lester Brown. Version anglaise disponible en ligne: http://www.earth-policy.org/books/wote.
présentation en français de l'ouvrage :
ftp://ftp2.ecologik-business.com/ecologikb/Wote_FR.pdf

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