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109 - LE RETOUR DE LA BICYCLETTE

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Publication de l’Earth Policy Institute    
Extrait de livre     
6 juillet 2010  

LE RETOUR DE LA BICYCLETTE

Lester Brown traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Texte original:
http://www.earthpolicy.org/index.php?/book_bytes/2010/pb4ch06_ss4

La bicyclette, moyen de transport individuel, possède de nombreux atouts. Elle diminue la congestion du trafic, la pollution de l’air, l’obésité, améliore la forme physique, n’émet pas de gaz à effet de serre si néfastes pour le climat et reste à la portée de milliards de personnes qui ne peuvent pas s’offrir une automobile. Les bicyclettes accroissent les capacités de déplacement individuelles tout en réduisant les encombrements de trafic et la surface goudronnée. Sur la route, six bicyclettes peuvent tenir dans l’espace nécessaire à une seule voiture. En ce qui concerne le stationnement, l’avantage est encore plus net, l’emplacement d’une seule voiture pouvant accueillir 20 bicyclettes.

Peu de méthodes de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont aussi efficaces que la substitution de l’automobile par la bicyclette sur de petits trajets. Une bicyclette est un petit bijou d’efficacité énergétique sur le plan de l’ingénierie ; 13 kilos de métal et de caoutchouc triplent la capacité de déplacement individuelle. J’ai calculé qu’avec ma bicyclette, l’énergie tirée de la consommation d’une pomme de terre me permet facilement de parcourir 11 kilomètres. En comparaison, une voiture pèse au moins une tonne ; c’est extraordinairement inefficace pour le transport d’une personne.

La bicyclette n’est pas seulement un moyen de transport pratique, elle est idéale pour rétablir l’équilibre entre l’apport calorique journalier et la dépense physique. Les occasions de faire de l’exercice sont précieuses en elles-mêmes. Un exercice régulier, comme de se rendre au travail à bicyclette, permet de réduire les maladies cardio-vasculaires, l’ostéoporose et l’arthrose, et renforce le système immunitaire.


La production mondiale de bicyclettes, qui était en moyenne de 94 millions par an entre 1990 à 2002, s’est envolée à 130 millions en 2007, loin devant les 70 millions d’automobiles. Les ventes de bicyclettes montent en flèche sur certains marchés de par la mise en place par les gouvernements d’une multitude de mesures visant à encourager son utilisation. Le gouvernement italien a par exemple lancé en 2009 un grand programme pour encourager l’achat de vélos ou de vélos électriques, dans l’objectif de réduire la circulation automobile et d’améliorer la qualité de l’air en ville. Les aides directes peuvent couvrir jusqu’à 30 pour cent du coût de la bicyclette.

La Chine possède le plus grand parc au monde, avec 430 millions de bicyclettes, mais elle est dépassée par l’Europe en terme de taux d’équipement. Il y a plus d’un vélo par personne aux Pays-Bas, et un peu moins de un au Danemark et en Allemagne.

La capacité de la bicyclette à accroître la mobilité individuelle des populations à faible revenu a été démontrée de façon spectaculaire en Chine. En 1976, la Chine produisait 6 millions de bicyclettes. Après la réforme de 1978, qui a ouvert une période de croissance économique rapide, l’augmentation des revenus et l’instauration d’une économie de marché où les gens pouvaient exprimer leurs préférences ont fait croître la production annuelle de bicyclettes jusqu’à dépasser 90 millions d’unités en 2007. Le chiffre atteint de 430 millions de personnes propriétaires de cycles en Chine représente la plus grande augmentation de mobilité individuelle de l’histoire humaine. Les bicyclettes ont envahi les rues des villes et les routes des campagnes. Bien que la multiplication rapide des voitures en Chine et les embouteillages qu’elles génèrent dans zones urbaines focalisent l’attention, la bicyclette demeure le plus grand facteur de mobilité individuelle pour des centaines de millions de Chinois.

Le Ripon College dans le Wisconsin et l’Université de Nouvelle-Angleterre dans le Maine sont allés encore plus loin. Plutôt que de construire de nouvelles infrastructures routières, ils ont trouvé moins coûteux de donner un vélo à chaque nouvel étudiant à condition qu’il accepte de laisser sa voiture chez lui. Le remplacement des voitures par des vélos sur le campus réduit la pollution atmosphérique et les embouteillages, tout en créant un sentiment de communauté.

Parmi les pays industrialisés, les leaders en matière de systèmes de transports favorisant l’usage de la bicyclette sont entre autres les Pays-Bas, où 27 pour cent de tous les déplacements se font à vélo, le Danemark avec 18 pour cent, et l’Allemagne, 10 pour cent. Ce chiffre est par contre de 1 pour cent aux États-Unis et au Royaume-Uni.

John Pucher et Ralph Buehler de l’Université Rutgers ont produit une très bonne étude de l’origine de cette disparité entre les différents pays. Ils indiquent que « les bicyclettes bénéficient d’une large priorité de circulation sur les automobiles aux Pays-Bas, au Danemark et en Allemagne; ceci va de pair avec l’existence de grands emplacements de parking pour les vélos, l’intégration de la bicyclette dans les transports publics, et une formation et un apprentissage complets à la circulation, à la fois pour les cyclistes et les automobilistes. » Dans ces pays, soulignent-ils, « l’usage de l’automobile est cher et peu pratique dans les centres villes du fait d’une multitude de taxes et de restrictions relatives à la possession, l’utilisation et au stationnement des voitures. C’est la mise en œuvre coordonnée de ces politiques diversifiées et complémentaires qui explique le mieux la réussite de ces trois pays dans la promotion de l’utilisation de la bicyclette ». Ils disent enfin que « c’est l’absence de ces politiques qui explique le statut marginal de la bicyclette au Royaume-Uni et aux États-Unis. »

Nombre d’américains sont heureusement en train d’agir pour changer cet état de fait. Le député Earl Blumenauer de l’Oregon joue parmi eux un rôle de premier plan; cycliste passionné, il est fondateur et coordinateur du Caucus Vélo du Congrès (220 membres).

Aux Etats-Unis, près de 75 pour cent des commissariats de police situés dans des zones de plus de 50 000 habitants effectuent désormais des patrouilles de routine à bicyclette. Les agents à bicyclette sont plus productifs en ville en partie parce qu’ils sont plus mobiles et peuvent atteindre la scène d’un accident ou d’un crime plus rapidement et plus discrètement qu’une équipe en voiture. Ils effectuent en moyenne 50% d’arrestations de plus par jour que les équipes en véhicules de patrouille. D’un point de vue financier, le coût de fonctionnement d’une bicyclette est totalement négligeable comparé à celui d’une voiture de patrouille.

Les lycées et universités se convertissent aussi à la bicyclette. Les campus sont débordés par les besoins en déplacement automobile, les embouteillages qu’ils provoquent, et la nécessité de construire de nouveaux logements ; les autorités sont contraintes de prendre des mesures novatrices pour décourager l’usage de la voiture. L’Université St. Xavier de Chicago a lancé un programme de vélo en libre service à l’automne 2008, permettant aux étudiants d’utiliser leur carte d’identité pour louer des vélos. L’Université Emory à Atlanta, en Géorgie, a mis en place un système gratuit similaire.

Pour revenir au niveau des Etats, les Pays-Bas sont sans conteste le pays occidental qui encourage le plus l’usage de la bicyclette ; leur « Programme Directeur Bicyclette » précise leur politique sur ce plan. La création de pistes cyclables et de voies réservées dans toutes les villes s’accompagne d’un droit de priorité fréquent aux croisements et aux feux de signalisation. Certains de ces feux permettent aux cyclistes de démarrer avant les voitures. Amsterdam est devenue en 2007 la première ville industrielle occidentale où le nombre de trajets à vélo a dépassé ceux effectués en voiture.

Au Pays-Bas, un groupement non-gouvernemental intitulé Interface for Cycling Expertise (I-ce) s’est constitué pour partager l’expérience néerlandaise dans la conception de systèmes de transport modernes faisant une large place à la bicyclette. Il travaille avec d’autres groupes au Botswana, au Brésil, au Chili, en Colombie, en Equateur, au Ghana, en Inde, au Kenya, au Pérou, en Afrique du Sud et en Ouganda, pour y faciliter l’usage de la bicyclette. Roelof Wittink, qui dirige I-ce, note que « si les transports sont planifiés seulement en fonction de la voiture, les conducteurs se sentent les “ rois de la route ”. Cela renforce le préjugé selon lequel la bicyclette est dépassée et utilisée uniquement par les plus pauvres. Mais si la planification est faite en fonction de la bicyclette, l’attitude du public change. »

Les Pays-Bas comme le Japon ont entrepris un effort concerté pour intégrer les bicyclettes et les transports locaux par train dans les trajets journaliers du domicile au lieu de travail, facilitant pour les cyclistes l’usage du train. Au Japon, ce phénomène a atteint une ampleur telle que certaines gares ont investi dans la construction de parkings multi-étages pour les bicyclettes, à l’image de ce qui se fait pour les automobiles.

Les Vélos à Assistance Electrique (VAE) sont des véhicules d’un genre relativement nouveau dont les ventes décollent aussi. Ces engins sont à rapprocher des voitures hybrides rechargeables car ils pouvent être propulsés par 2 sources d’énergie (dans ce cas précis l’énergie musculaire du cycliste et l’électricité provenant d’une batterie) et rechargés sur le réseau si nécessaire. En Chine, où cette technologie est apparue, les ventes sont passées de 40 000 VAE en 1998 à 21 millions en 2008. Il y a aujourd’hui en Chine près de 100 millions de VAE en circulation, contre 18 millions de voitures. Ces vélos électriques attirent maintenant l’attention d’autres pays asiatiques soumis eux aussi à des problèmes de pollution atmosphérique, mais aussi de l’Europe et des États-Unis, où l’ensemble des ventes dépasse désormais plus de 300 000 unités par an.

Contrairement aux voitures hybrides, les vélos électriques n’utilisent pas directement de combustibles fossiles. Le remplacement de l’électricité provenant de centrales électriques à charbon par de l’énergie d’origine éolienne, solaire, et géothermique, permettrait de faire fonctionner ces VAE avec une empreinte carbone nulle.

Le développement du potentiel du vélo dépend avant tout de la création de systèmes de transport qui favorisent son usage. Cela passe par la création de pistes cyclables et des voies réservées dans les rues, conçues à la fois pour ceux qui utilisent le vélo comme moyen de transport et ceux qui en font un loisir. Cela passe aussi par la mise à disposition des douches et de parcs à vélo sur le lieu de travail. La bicyclette toute simple est une option gagnante dans l’ économie du Plan B (http://www.earthpolicy.org/index.php?/about_epi/6/).

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Adapté du chapitre 6, “Concevoir les villes pour leurs habitants” de Plan B 4.0: Mobiliser pour sauver la civilisation (New York: WW Norton & Company, 2009) de Lester R. Brown, disponible en ligne sur www.earthpolicy.org / index.php?/ Books/pb4

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