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Nouvelles du Earth Policy Institute
le 23 décembre 2009

LA GLACE FOND PARTOUT DE PLUS EN PLUS VITE

Alexandra Giese, traduite par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Texte original:
http://www.earthpolicy.org/index.php?/indicators/C50

Les masses glaciaires du globe fondent à une vitesse alarmante, de la banquise Arctique au continent Antarctique en passant par les montagnes du Pérou, de l’Alaska et du Tibet. La perte accélérée des calottes glacières, de la banquise et des glaciers est l’un des indicateurs les plus significatifs et frappants d’un réchauffement climatique.

La perte de couverture glaciaire la plus notable de ces dernières années est celle liée à la réduction de la banquise dans l’océan Arctique. Entre le début des enregistrements par satellite en 1979 et l’année 1996, la surface de glace a diminué à un rythme constant de 3 pour cent par décennie en raison de l’augmentation des températures. La surface de glace a diminué de 11 pour cent lors de la décennie suivante, atteignant un minimum spectaculaire en 2007 : la surface de banquise occupait en septembre de cette année-là seulement 3,6 millions de kilomètres carrés, soit une réduction de 27 pour cent par rapport au précédent record de 2005, et de 38 pour cent par rapport à la moyenne des années 1979 à 2007. La couverture de la banquise estivale a légèrement augmenté ces deux dernières années, mais elle reste encore loin en dessous de la moyenne observée sur le long terme. (Voir chiffres )

Carte fonte glaces

La réduction de l’épaisseur et du volume de glace sont tout aussi spectaculaires. La combinaison de ces tendances a mené à une diminution de la quantité de glace non saisonnière. La glace pluriannuelle est plus stable et moins susceptible de se casser que la mince et éphémère couche de glace saisonnière qui se forme chaque hiver. Entre 1987 et 2007, la quantité de glace d’au moins cinq ans a chuté de 57 à seulement 7 pour cent. (Voir chiffres ) Les changements majeurs de la couverture de banquise ont conduit les scientifiques de l’université de Washington et du National Oceanic and Atmospheric Administration (administration océanique et atmosphérique nationale) à prédire que l’Océan Arctique pourrait être libre de glace à l’été 2037 — un événement qui ne s’est pas produit depuis un million d’années... D’autres scientifiques prévoient que l’Arctique pourrait être en grande partie en eaux libres dès l’été 2015.

La réduction de la banquise est un phénomène d’emballement en raison de l'albédo: la glace reflète jusqu’à 70 pour cent de la lumière du soleil qui la frappe, alors que l’eau de l’océan n’en reflète que 6 pour cent, et absorbe le reste sous forme de chaleur. En conséquence, dès qu’un peu de banquise disparaît et que l’eau de mer est à l’air libre, le système se met à absorber plus d’énergie, ce qui conduit à faire fondre plus de glace. Les dangers liés à ce scénario d’emballement du réchauffement portent sur la destruction rapide des divers écosystèmes dont dépendent de nombreux êtres vivants, dont les ours blancs, les phoques et les morses ; un dégel de la toundra Arctique peut provoquer la libération de larges quantités de méthane, un puissant gaz à effet de serre, et un plus grand réchauffement du Groenland proche.

Les données satellites montrent que la calotte glaciaire du Groenland a subi une fonte accélérée, en particulier lors des dernières décennies. La fonte annuelle moyenne du Groenland entre 2002 et 2005 a de fait été le triple de celle de la période 1997-2003, et la surface sur laquelle la glace fond en été a augmenté de 30 pour cent depuis 1979. Des changements survenus ces dernières années dans les mouvements de la glace, liés à la montée des températures, ont provoqué un écoulement plus rapide des glaciers, menant à une perte additionnelle de glace. L’eau de fonte lubrifie la base des glaciers qui transportent la glace de l’intérieur des terres vers la mer, accélérant ainsi leurs mouvements. La vitesse du plus grand glacier du Groenland a par exemple doublé en seulement cinq ans. Des lacs de surface propagent des failles à mesure qu’ils s’écoulent à travers la calotte glaciaire, lubrifiant encore plus la base et fragilisant l’inlandsis par un réseau de fissures ; l’intensité avec laquelle les glaciers vêlent dans l’océan peut être détectée par des sismographes aux 4 coins du monde. La fréquence de ces “ tremblements de terre glaciaires ” a augmenté ces dernières années ; on a par exemple enregistré en 2005 au moins deux fois plus de secousses que durant toute autre année antérieure à 2002. Le Groenland a perdu au total 1 500 gigatonnes de glace entre 2000 et 2008, ce qui représente plus d’eau que celle utilisée en six ans par l’industrie et le secteur résidentiel aux États-Unis.

L’Antarctique montre aussi, dans l’hémisphère sud, les signes d’un réchauffement climatique. La perte annuelle de glace pour l’ensemble du continent a plus que doublé entre les périodes 2002-06 et 2006-09. Un morceau de 400 kilomètres carrés de glace s’est détaché en mars 2009 de la barrière de glace Wilkins; il constituait le dixième effondrement survenu ces derniers temps sur la barrière glaciaire de la Péninsule Antarctique. L’évènement le plus notable fut celui, en 2002, de la rupture de la barrière de glace Larsen B, qui couvrait 3 000 kilomètres carrés, soit environ la taille de Rhode Island. La calotte glaciaire antarctique occidentale (West Antarctic ice sheet, WAIS) a perdu en 2006 59 pour cent de glace de plus qu’en 1996. Un des glaciers d’écoulement à vitesse rapide de cette calotte glaciaire occidentale, le glacier Pine Island, a connu un quadruplement de sa perte de volume entre 1995 et 2006. La calotte glaciaire Est-antarctique était précédemment considérée comme n’évoluant pas ou gagnant même de la masse, mais il se pourrait qu’elle soit en fait en train de fondre. Une étude publiée fin 2009 par la revue Nature Geoscience met en avant une fonte nette de la calotte glaciaire depuis 2006. Cette nouvelle découverte vient renforcer les craintes toujours croissantes d’effondrement de la calotte glaciaire, et de montée du niveau des mers. Les scientifiques indiquent que de par cette fonte accrue le niveau de la mer pourrait monter de 2 mètres d’ici la fin de ce siècle.

Les glaciers de montagne sont bien plus petits que les calottes de glace polaires et ne constituent donc pas une menace pour le niveau des mers; leur fonte est en revanche un sujet d’inquiétude grave et immédiat en raison de leur proximité de l’habitat humain et de leur importance pour celui-ci. La fonte des glaciers de montagne peut induire des risques de chutes de pierres, d’avalanches, et de crues éclairs dues à la rupture de lacs glaciaires; ils ont également des impacts significatifs sur les approvisionnements en eau douce. Le taux annuel moyen de fonte des glaciers de montagne au niveau mondial a été au moins deux fois plus important entre 1996 et 2005 que pendant la décennie précédente. Le Service de Surveillance Mondial des Glaciers a indiqué que 2007 (l’année la plus récente pour laquelle les données sont connues) a été la dix-huitième année consécutive de recul pour les 30 glaciers de référence mesurés depuis 1976. (Voir chiffres)

Les glaciers de l’Himalaya et du Plateau Tibétain renferment la plus grande quantité de glace en dehors des pôles et alimentent les grands systèmes fluviaux d’Asie, qui procurent de l’eau à plus de 2 milliards de personnes. Cette eau est vitale pour la consommation des hommes mais aussi pour irriguer les cultures de blé et de riz de Chine et d’Inde, les plus importantes au monde. Les glaciers de l’Himalaya ont reculé ces dernières années à des vitesses variant de 10 à 60 mètres par an. Avec la disparition des glaciers, les débits des fleuves qui en dépendent pendant la saison sèche pourraient diminuer de 70 pour cent, transformant ces derniers en fleuves saisonniers. Les bassins fluviaux concernés sont en particulier ceux du Yang Tsé Kiang, du Fleuve Jaune, de l’Indus, du Gange, et du Brahmapoutre.

Les Andes abritent 90 pour cent des glaciers tropicaux du monde et connaissent également une fonte accélérée et une réduction de l’approvisionnement en eau : les glaciers péruviens et boliviens ont environ perdu un tiers de leur superficie entre le début des années 1970 et l’année 2006. Au Pérou, la fonte des glaciers et des neiges fournit 80 pour cent de l’eau douce; celle-ci est utilisée non seulement pour la consommation mais également pour la production hydro-électrique, qui représente plus de 80 pour cent de l’électricité du pays. Dans la Bolivie voisine, le gouverneur de La Paz prévoit déjà de graves pénuries d’eau et étudie un programme de migration à l’extérieur de la capitale. Le glacier de Chacaltaya, vieux de 18 000 ans, qui abritait la seule station de sports d’hiver du pays, a disparu en 2009.

En Tanzanie, les glaciers du mont Kilimandjaro, icônes culturelles et spirituelles ancestrales, ont perdu 84 pour cent de leur surface entre 1912 et 2007 et continuent à fondre rapidement. En Alaska, 98 pour cent des glaciers perdent actuellement de l’épaisseur ou reculent ; et le Parc National des Glaciers du Montana pourrait voir sa dénomination vidée de son sens d’ici 2020 du fait de cette fonte accélérée. (Voir les exemples supplémentaires)

La tendance actuelle générale de fonte de glace est alarmante, mais le plus déconcertant peut-être est qu’elle se produit bien plus vite que les modèles ne l’ont prédit. La nécessité de réduire les émissions de carbone n’en est que renforcée, avant que le monde ne voie les calottes glaciaires s’effondrer, les régions basses côtières connaître des inondations catastrophiques, et les pénuries d’eau et de nourriture se répandre à grande échelle. Après tout, comme le dit Johan Rockström, professeur de l’Université de Stockholm, “nous ne savons pas recongeler la calotte glaciaire du Groenland.”

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