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78 - LA RELOCALISATION DE L'AGRICULTURE

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Extrait de livre
1er décembre 2009

LA RELOCALISATION DE L'AGRICULTURE

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Texte original:
http://www.earthpolicy.org/index.php?/book_bytes/2009/pb4ch09_ss5

La consommation de produits frais locaux suscite un engouement croissant aux Etats-Unis ; cette tendance résulte d’une prise de conscience multiple : impact sur le climat du transport de produits sur de longues distances, problèmes de santé liés à l’obésité et à la « malbouffe ». Elle se traduit aussi par une progression du jardinage urbain, du jardinage à l'école, et des marchés fermiers.

Avec la croissance rapide de ce mouvement en direction d’une alimentation de proximité, les habitudes alimentaires se recentrent progressivement sur les produits locaux et saisonniers. Dans les pays industrialisés, les clients des supermarchés perdent le sens des saisons, la disponibilité de tous les produits y étant quasiment assurée tout au long de l'année. L’augmentation des prix du pétrole va renverser cette situation : le transport de denrées alimentaires sur de longues distances (par avion, camion, ou bateau) devenant prohibitif, une relocalisation de l'économie de l'alimentation va nécessairement se produire.

L'augmentation récente du nombre de fermes aux Etats-Unis illustre ce mouvement vers la relocalisation, qui peut être vu comme l'inversion d'une tendance vieille d'un siècle de regroupement des exploitations. Entre le recensement agricole de 2002 et celui de 2007, le nombre de fermes aux Etats-Unis a augmenté de 4 pour cent pour atteindre environ 2,2 millions d’exploitations. La plupart de ces nouvelles fermes sont de petite taille, et souvent gérées par des femmes ; la présence de ces dernières dans le secteur agricole est passé de 238 000 en 2002 à 306 000 en 2007, soit une hausse de presque 30 pour cent.

Un grand nombre de ces nouvelles fermes approvisionne les marchés locaux. Certaines produisent des fruits et des légumes frais uniquement pour les marchés fermiers, ou pour la revente aux particuliers le long des routes. D'autres fournissent des produits spécialisés, ainsi par exemple les éleveurs de chèvres produisent du lait, du fromage, et de la viande ; certaines fermes cultivent des fleurs ou produisent du bois pour le chauffage ; d'autres se spécialisent dans l’alimentation biologique. Le nombre de fermes bio aux Etats-Unis est passé de 12 000 en 2002 à 18 200 en 2007, soit une augmentant de moitié en cinq ans.

Le jardinage a pris un grand élan au printemps de 2009, quand la première dame des États-Unis Michelle Obama et un groupe d’écoliers du secteur ont retourné ensemble un carré de pelouse de la Maison Blanche pour y démarrer un potager. Cette initiative a eu un précédent : Eleanor Roosevelt a créé pendant la deuxième guerre mondiale un “ jardin de la victoire ” à la Maison Blanche. Son exemple a encouragé la création des millions de jardins similaires, qui ont représenté jusqu’à 40 pour cent de la production de fruits et légumes du pays.

Il était beaucoup plus facile de développer ce type de jardin dans l’après-guerre, le pays étant alors encore largement rural. Il existe cependant toujours aujourd’hui un énorme potentiel pour le jardinage. Les surfaces de pelouse résidentielles aux États-Unis couvrent 7 millions d'hectares. La conversion d'une faible partie de cette surface en vergers et potagers pourrait contribuer de façon importante à améliorer l’alimentation.

De nombreuses grandes et petites villes aux Etats-Unis et en Angleterre créent des jardins communautaires à l’intention de tous ceux qui n'auraient autrement pas accès à la terre. Réserver des terrains pour les jardins communautaires est considéré par beaucoup de collectivités locales comme un service essentiel, au même titre que les aires de jeu pour les enfants, les courts de tennis ou d'autres équipements de sport.

De nombreux débouchés s'ouvrent aussi pour les productions locales. Les plus connus sont peut-être les marchés fermiers, où les fermiers locaux proposent leurs produits à la vente. Le nombre de ces marchés aux Etats-Unis a progressé de 1 755 en 1994 jusqu'à plus de 4 700 à la mi-2009, triplant presque en 15 ans. Les marchés fermiers recréent des liens personnels entre producteurs et consommateurs, qui n'existent pas dans les locaux impersonnels des supermarchés. Beaucoup de ces marchés fermiers acceptent aussi maintenant les coupons alimentaires, offrant aux plus démunis un accès aux produits frais. Le nombre de ces marchés pourrait à l’avenir croître encore plus vite, de nombreux facteurs de ce type multipliant aujourd’hui leur intérêt.

Dans les jardins scolaires, les enfants apprennent comment la nourriture est produite — compétence rare dans un environnement urbain. Ils peuvent aussi goûter pour la première fois des pois fraîchement cueillis ou des tomates ramassées à maturité. Les jardins scolaires fournissent également des produits frais pour les cantines. La Californie est en pointe dans ce domaine, avec 6000 jardins scolaires.

Beaucoup d'écoles et d'universités s'efforcent maintenant d'acheter de la nourriture produite localement parce qu'elle est plus fraîche, plus savoureuse, plus nutritive et trouve sa place dans les nouveaux programmes de campus verts. Quelques universités compostent les déchets de nourriture de cuisine et de cafétéria et proposent le compost aux fermiers qui les fournissent en produits frais.

Les supermarchés s’approvisionnent de plus en plus auprès des fermiers locaux pendant leur saison de production. Les restaurants chics mettent en avant la production locale dans leurs menus. Dans certains cas, des marchés alimentaires généralistes évoluent pour ne vendre que des produits locaux, avec bien sûr des fruits et des légumes, mais aussi de la viande, du lait, du fromage, des œufs et d'autres produits de la ferme.

Les transports à longue distance augmentent les émissions de carbone tout en faisant perdre saveur et capacité nutritive aux produits alimentaires. Une étude conduite dans l’Iowa a montré que les produits conventionnels voyageaient en moyenne sur 2 400 kilomètres — sans tenir compte de ceux importés d'autres pays. Les produits cultivés localement ne faisaient par contre en moyenne que 90 kilomètres, une différence énorme en coût en carburant. Une autre étude menée dans l'Ontario, au Canada, a constaté que 58 aliments importés avaient voyagé en moyenne sur 4 500 kilomètres. En deux mots, les consommateurs s’inquiètent de leur sécurité alimentaire dans le cadre d’une économie de l'alimentation basée sur le transport à longue distance. Un nouveau mot a été forgé pour exprimer cette tendance, locavore, complétant les termes mieux connus d’herbivore, de carnivore, et d’omnivore.

Les préoccupations liées à l’impact sur le climat du transport à longue distance ont également conduit Tesco, la principale chaîne britannique de supermarchés, à afficher l’empreinte carbone des produits en rayon, en indiquant la contribution de gaz à effet de serre des produits alimentaires, depuis la ferme jusqu’au rayon du supermarché. La Suède est un pionnier récent dans l'étiquetage de la nourriture, l’empreinte carbone de chaque produit devant figurer au même titre que les informations nutritionnelles.

La production animale basée sur des élevages industriels gigantesques de bétail, de porcs, et de volailles va probablement être remise en cause avec la relocalisation de l’agriculture. Le passage de la production industrielle de lait, de viande, et d'œufs à une production combinée céréalière et animale facilite le recyclage des nutriments, les fermiers épandant le fumier localement sur leurs terres. La montée des prix du gaz naturel utilisé dans la fabrication des engrais azotés, et des phosphates dont les réserves sont épuisées, laisse entrevoir un développement du recyclage des nutriments bien plus important dans le futur, ce qui procure un avantage indéniable aux petits fermiers produisant pour les marchés locaux par rapport à l’élevage industriel.

La réduction du transport alimentaire associée à une alimentation moins carnée peut réduire de façon spectaculaire l'utilisation d'énergie dans l'économie de l'alimentation. Avec la montée de l’insécurité alimentaire mondiale, de plus en plus les gens vont chercher à produire une partie de leur propre nourriture dans des potagers, sur les toits, dans des jardins communautaires et ailleurs, renforçant le mécanisme de relocalisation de l'agriculture.

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Adapté du chapter 9, “Nourrir correctement 7 milliards d’individus” de Plan B 4.0: Mobiliser pour sauver la de Lester R. Brown,(New York: W.W. Norton & Company, 2009), disponible en ligne sur: www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb4

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