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70 - NOTRE ECONOMIE GLOBALE PYRAMIDALE

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Earth Policy Institute
Extrait du Plan B 4.0
Le 7 octobre 2009

NOTRE ECONOMIE GLOBALE DE TYPE ‘PYRAMIDE DE PONZI’

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Texte original:
http://www.earth-policy.org/index.php?/book_bytes/2009/pb4ch01_ss4

Notre économie mondiale est mal gérée et possède aujourd’hui de ce fait plusieurs des caractéristiques d’une pyramide de Ponzi. Une pyramide de Ponzi utilise les versements d’une large base de nouveaux investisseurs pour payer des dividendes à ceux qui ont investi précédemment. Ceci donne l’illusion qu’elle offre un taux d’intérêt séduisant en raison de décisions d’investissement judicieuses, alors qu’en fait ces revenus très élevés sont en partie le résultat de la consommation des capitaux investis eux-mêmes. Un fond d’investissement basé sur une chaîne de Ponzi ne peut durer que si l’afflux de nouveaux investissements est suffisant pour supporter les taux d’intérêt élevés payés aux investisseurs précédents. Quand ce n’est plus possible, la pyramide s’effondre, comme cela s’est passé pour le fonds d’investissement de 65 milliards de dollars de Bernard Madoff en décembre 2008.

Bien que le fonctionnement de l’économie mondiale ne soit pas entièrement analogue à une pyramide d’investissement de Ponzi, il existe cependant quelques parallèles inquiétants entre les deux. Jusque dans les années 1950 environ, l’économie mondiale vivait plus ou moins à la hauteur de ses moyens, consommant seulement les dividendes renouvelables, c’est à dire les intérêts produits par les écosystèmes sur lesquels elle s’appuie. Mais depuis cette époque, l’économie a doublé, doublé à nouveau, et une fois encore —une multiplication par un facteur 8 ; elle a commencé à dépasser la production renouvelable, et à consommer la base des actifs eux-mêmes.

Lors d’une étude publiée en 2002 par l’Académie Nationale des Sciences des États-Unis, une équipe de scientifiques a conclu que les demandes collectives de l’humanité ont dépassé pour la première fois les capacités de régénération de la planète autour de 1980. En 2009, la pression globale exercée sur les écosystèmes est supérieure de presque 30 pour cent à leur niveau de production renouvelable. Cela signifie que nous satisfaisons les demandes actuelles en consommant en partie le patrimoine écologique de la Terre, préparant le terrain pour un effondrement ultime de type Ponzi, quand ce patrimoine sera épuisé.

A la mi 2009, presque toutes les principales nappes aquifères du monde étaient surexploitées. L’eau d’irrigation est plus abondante qu’au départ — avant le sur pompage — ce qui est typique d’une véritable pyramide de Ponzi. L’agriculture semble en excellente santé, mais en réalité environ 400 millions de personnes sont aujourd’hui alimentées par le surpompage, un processus qui est par définition de court terme. Cette bulle alimentaire est sur le point d’éclater avec l’assèchement des nappes phréatiques.

La fonte des glaciers de montagne crée une situation similaire : quand les glaciers commencent à fondre, le débit des rivières et des canaux d’irrigation qu’ils alimentent sont plus grands qu’avant le début de la fonte. Mais, passé un certain point, avec la disparition des petits glaciers et la régression des plus grands, la quantité de glace fondue baisse et le débit des fleuves diminue. Il y a donc deux pyramides de Ponzi basées sur l’eau à l’œuvre en parallèle dans l’agriculture.

D’autres pyramides du même type existent. La demande croissante en fourrage du fait de l’augmentation plus ou moins rapide de la population et des cheptels dépasse en fin de compte la production renouvelable des prairies. La dégradation de la végétation qui en découle laisse la terre dénudée, en voie de désertification. Dans cette chaîne de Ponzi, les bergers deviennent dépendants de l’aide alimentaire ou sont forcés d’émigrer vers les villes.

Les trois-quarts des pêcheries océaniques sont maintenant exploitées au niveau ou au delà de leur capacité maximale, ou encore convalescentes de leur surexploitation. Si nous continuons sur le modèle économique habituel, beaucoup de ces pêcheries s’effondreront. La surpêche, par définition, se produit lorsque les poissons sont capturés plus vite qu’ils ne peuvent se reproduire. La pêcherie de la morue au large de Terre-Neuve au Canada en est un exemple historique typique. Elle a été pendant longtemps une des pêcheries les plus productives au monde; elle s’est effondrée au début des années 90 et pourrait ne jamais récupérer

Paul Hawken, auteur de “ Blessed Unrest ” (Turbulences bénies, ndlt), l’explique bien: “ Nous pillons actuellement le futur, le vendons dans le présent, et l’appelons produit intérieur brut. Nous pouvons tout aussi bien avoir une économie orientée sur la remise en état de ce futur, au lieu de le voler. Nous pouvons créer du patrimoine pour l’avenir, ou bien extorquer ce patrimoine au futur. La première option s’appelle restauration, et l’autre exploitation” Une question plus large reste en suspens : si nous continuons avec le système économique actuel, son surpompage, surpâturage, surlabourage, surpêche, et surémissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, combien de temps avant que cette économie de Ponzi ne se désintègre et s’effondre ? Personne ne le sait. Notre civilisation industrielle n’a jamais connu cela avant.

À la différence de la pyramide de Ponzi de Bernard Madoff, qui a été mise en place en sachant qu’elle s’effondrerait au final, notre économie globale de Ponzi n’a pas été conçue dans cet esprit. Elle se trouve sur une trajectoire de collision en raison des forces du marché, d’incitations dénuées de sens, et de mauvais choix d’indicateurs de progrès.

Non contents de consommer notre patrimoine de base, nous avons inventé des techniques savantes pour ne pas incorporer les charges dans notre comptabilité, tout comme la compagnie texane d’énergie Enron, l’a fait il y a quelques années, ce qui l’a menée au discrédit et à la banqueroute. Par exemple, notre fournisseur d’électricité nous envoie régulièrement une facture. Celle-ci inclut le coût de l’extraction du charbon, de son transport à la centrale, de sa combustion, de la production d’électricité, et de la distribution d’électricité. Elle n’inclut cependant aucun des coûts liés au changement climatique provoqué par la combustion du charbon. La facture viendra plus tard, et sera probablement remise à nos enfants. Malheureusement pour eux, l’usage actuel du charbon rendra leur facture beaucoup plus lourde que la nôtre.

Sir Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque Mondiale, a publié en 2006 une étude qui a fait date sur les coûts futurs du changement climatique. Il a parlé à l’époque d’une défaillance massive du marché. Il se référait à l’inaptitude du marché à incorporer les coûts liés au changement climatique dans le prix des combustibles fossiles. Selon Stern, ces coûts se mesurent en milliers de milliards des dollars. La différence est énorme entre le prix de marché des combustibles fossiles et le prix réel, incorporant également les coûts environnementaux pour la société.

En tant que décideurs économiques nous dépendons tous du marché pour les informations qui guident nos décisions, mais le marché nous fournit des informations incomplètes; en conséquence nous prenons de mauvaises décisions. Un des meilleurs exemples de ce dysfonctionnement s’observe aux Etats-Unis, où le prix de l’essence à la mi 2009 était de 0,8 dollars le litre. Ce prix reflète seulement le coût de recherche du pétrole, de pompage, de raffinage et de distribution du carburant. Il ignore les coûts du changement climatique tout comme les coûts des subventions à l’industrie pétrolière, les coûts militaires en pleine expansion pour protéger l’accès au pétrole dans un Moyen-Orient politiquement instable, et les coûts des soins de santé pour traiter les maladies respiratoires dues à la pollution de l’air. Ces coûts indirects se chiffrent maintenant à 3,2 € par litre. Brûler l’essence est en réalité très coûteux, bien que le marché nous dise que le contraire.

Le marché ne respecte pas non plus les limites des écosystèmes. Par exemple, si une pêcherie est en permanence surexploitée, les prises vont finir par diminuer provoquant une montée des prix encourageant encore plus d’investissements dans les chalutiers de pêche. Le résultat final inévitable est une baisse brutale des prises et l’effondrement de la pêcherie.

Nous avons aujourd’hui besoin d’une approche réaliste des rapports entre l’économie et l’environnement. Nous avons également besoin, plus que jamais auparavant, de décideurs capables de construire une vision d’ensemble des problèmes. Et comme les principaux conseillers des gouvernements sont des économistes, nous avons besoin soit d’économistes qui puissent penser comme des écologistes, soit de conseillers plus compétents en écologie. Dans le cas contraire, le comportement du marché, y compris son incapacité à inclure les coûts indirects des biens et des services, à évaluer les services rendus par la nature et à respecter des seuils de production soutenables causera la destruction des écosystèmes sur lesquels s’appuie l’économie, et notre pyramide de Ponzi globale s’écroulera.

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Adapté du Chapitre 1, “Nous vendons notre futur,” de Plan B 4.0: Mobiliser pour Sauver la Civilisation de Lester R. Brown, (New York: W.W. Norton & Company, 2009), disponible sur: www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb4

Une présentation résumée du plan B sous forme de diaporama est disponible sur:
http://www.earthpolicy.org/Books/PB3/presentation.htm.(en anglais), et:
http://www.alternativeplanetaire.com/sites/alternativeplanetaire.com/files/docs/resume-PB3.pdf (en français)

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