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53 - COLLISION ENTRE CROISSANCE DE LA POPULATION ET DISPONIBILITE DES RESSOURCES

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Earth Policy Institute
extrait du livre Plan B 3.0
Pour diffusion immédiate, le 12 février 2009

COLLISION ENTRE CROISSANCE DE LA POPULATION ET DISPONIBILITE DES RESSOURCES

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

texte original:
http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB3ch06_ss5.htm

A mesure que la terre et l’eau deviennent rares, la concurrence pour ces ressources vitales s’intensifie dans les sociétés, en particulier entre les riches et ceux qui sont pauvres et expropriés. La réduction des ressources nécessaires à la vie disponibles par personne, liée à la croissance démographique, menace de faire chuter le niveau de vie de millions de personnes au-dessous du niveau de survie, conduisant à des tensions sociales potentiellement incontrôlables.

L’accès à la terre est l’une des sources principales de tension sociale. L’expansion de la population mondiale a divisé par deux la surface cultivable par personne , passant de 0,23 hectare en 1950 à 0,10 hectare en 2007. Un dixième d’hectare représente la moitié de la surface d’un bâtiment dans une banlieue riche des États-Unis. Cette réduction continue de la surface cultivable par personne rend plus difficile, pour les fermiers du monde, la tâche de nourrir les 70 millions de personnes qui viennent s’ajouter à la population mondiale chaque année. La réduction des terres arables par personne menace non seulement des emplois ; dans les sociétés agricoles de subsistance, elle menace la survie elle-même. Les tensions au sein des communautés apparaissent à mesure que les surfaces cultivées passent en dessous de ce qui est nécessaire pour survivre.

La zone du Sahel en Afrique, dont la population a un taux de croissance le plus élevé au monde, est un endroit où les conflits se propagent. Au Soudan, sujet aux troubles, 2 millions de personnes ont péri et plus de 4 millions ont été déplacées durant ce conflit de longue durée de plus de 20 ans entre le nord musulman et le sud chrétien. Le conflit plus récent dans la région du Darfour, au Soudan occidental, qui a débuté en 2003, illustre les tensions croissantes entre deux groupes musulmans: les bergers chameliers et l’agriculture de subsistance. Les troupes gouvernementales appuient des milices arabes, qui se livrent au massacre de masse des Soudanais noirs pour les obliger à quitter leurs terres, les envoyant dans des camps de réfugiés au Tchad voisin. Au moins 200 000 personnes ont été tuées dans ce conflit et 250 000 autres sont mortes de faim et de maladie dans les camps de réfugiés.

L’histoire de Darfour est celle du Sahel, une région semi-aride de d’agriculture de prairies et de steppes qui s’étend à travers l’Afrique du Sénégal à l’ouest, à la Somalie à l’est. Dans le nord du Sahel, la prairie se transforme en désert, forçant les bergers à migrer vers le sud dans les zones agricoles. Les précipitations en baisse et le sur pâturage se combinent pour détruire les prairies.

Bien avant que les précipitations ne déclinent, les graines du conflit étaient semées quand la population du Soudan est passée de 9 millions en 1950 à 39 millions de 2007, ayant plus que quadruplée. Dans le même temps, le cheptel bovin est passé de moins de 7 millions à 40 millions, ayant presque sextuplé. Le nombre de moutons et de chèvres est passé de moins de 14 millions à 113 millions, une augmentation octuple. Aucune prairie ne peut survivre à une telle croissance rapide et continue des cheptels.

Au Nigéria, où 148 millions de personnes s’entassent sur une surface pas beaucoup plus grande que la France, le sur pâturage et les labours intensifs transforment la prairie et la terre cultivable en désert, poussant les fermiers et les bergers dans une guerre pour la survie. Malheureusement, la division entre les bergers et les fermiers est également souvent la division entre les musulmans et les chrétiens. La concurrence pour la terre, amplifiée par les différences religieuses, et alliée à la présence d’un grand nombre de jeunes hommes frustrés et armés, a créé une situation volatile et violente où finalement, à la mi-2004, le gouvernement a imposé l’état d’urgence.

Le Rwanda est devenu un cas d’étude classique sur la façon dont la pression démographique croissante peut se traduire en tension politique, conflit, et tragédie sociale. James Gasana, qui était le ministre de l’agriculture et de l’environnement du Rwanda de 1990 à 1992, a averti en 1990 que sans “transformations profondes de son agriculture, [le Rwanda] ne sera pas capable d’alimenter correctement sa population avec le taux de croissance actuel. ” Quand les démographes du pays prévoyaient une augmentation importante de la population, Gasana disait qu’il ne voyait pas comment le Rwanda pourrait atteindre 10 millions d’habitants sans désordre social “à moins que d’importants progrès dans l’agriculture, et aussi dans d’autres secteurs de l’économie, soient réalisés. ”

En 1950, la population du Rwanda comptait 2,4 millions de personnes. En 1993, elle avait triplé à 7,5 millions, faisant du Rwanda le pays le plus densément peuplé d’Afrique. L’augmentation de la population a provoqué celle de la demande en bois combustible. En 1991, la demande était plus du double de la production soutenable des forêts locales. A mesure que les arbres disparaissaient, la paille et d’autres résidus de récolte ont été employés pour la cuisson. Avec moins de matière organique dans le sol, la fertilité du sol a diminué.

La détérioration de l’état de santé de la terre a provoqué celle des gens qui en dépendaient. Finalement, il n’y eut simplement plus assez de nourriture. Un désespoir silencieux s’est installé. Comme dans une campagne affligée par la sécheresse, le feu pouvait partir d’une simple allumette . Ceci arriva le 6 avril 1994 avec le crash de l’avion transportant le Président Juvenal Habyarimana, abattu alors qu’il approchait de la capitale Kigali.. Le crash a déclenché une attaque organisée des Hutus, menant à la mort d’environ 800.000 Tutsis et Hutus modérés en 100 jours.

Beaucoup d’autres pays africains, en grande partie de nature rurale, sont sur une trajectoire démographique semblable à celle du Rwanda. La population de Tanzanie, 40 millions en 2007, devrait passer à 85 millions en 2050. En République Démocratique du Congo, la population devrait tripler, passant de 63 millions à 187 millions.

L’Afrique n’est pas seule. En Inde, la tension entre les hindous et les musulmans n’est jamais loin de la surface. Chaque génération successive subdivise des parcelles de terrain déjà petites, rendant la pression sur la terre intense. La pression sur les ressources en eau est encore plus grande. Avec une augmentation prévue de la population de l’Inde de 1,2 milliard en 2007 à 1,7 milliard en 2050, le choc entre le nombre d’humains en hausse et les ressources en eau en baisse semble inévitable. Le risque est que l’Inde puisse avoir à faire face à des conflits sociaux sans commune mesure avec ceux du Rwanda. Le rapport entre la population et les systèmes naturels est un problème de sécurité nationale, qui peut engendrer des conflits, sur des bases géographiques, tribales, ethniques, ou religieuses.

Les désaccords au sujet de la répartition de l’eau entre les pays qui partagent des systèmes fluviaux est une source fréquente de conflit politique international, particulièrement là où les populations deviennent trop importantes pour le débit du fleuve. Le conflit potentiel n’est nulle part plus fort qu’entre l’Egypte, le Soudan, et l’Ethiopie dans la vallée du Nil. L’agriculture en Egypte, où il pleut rarement, dépend complètement de l’eau du Nil. L’Egypte reçoit actuellement la part de lion de l’eau du Nil, mais sa population actuelle de 75 millions devrait atteindre les 121 millions d’habitants en 2050, augmentant de ce fait considérablement la demande en céréales et en eau. Celle du Soudan, dont les 39 millions d’habitants dépendent aussi beaucoup de la nourriture produite avec l’eau du Nil, devrait passer à 73 millions d’habitants avant 2050. Et le nombre d’Ethiopiens, dans le pays qui contrôle 85 pour cent des afflux en eau du fleuve, devrait passer de 83 millions à 183 millions.

Alors qu’il reste déjà peu d’eau dans le Nil quand il rejoint la Méditerranée, si le Soudan ou l’Ethiopie augmentent leurs captations , l’Egypte aura alors moins d’eau ce qui rendra de plus en plus difficile l’alimentation des 46 millions de personnes supplémentaires prévues. Bien qu’il y ait un accord sur les droits à l’eau entre les trois pays, l’Ethiopie reçoit seulement une part minuscule de l’eau. Considérant ses aspirations pour une vie meilleure, avec le Nil comme ‘une de ses rares ressources naturelles, l’Ethiopie voudra assurément utiliser plus d’eau.

Dans le bassin de la mer d’Aral en Asie centrale, il y a un arrangement boiteux entre cinq pays sur le partage des deux fleuves, l’Amu Darya et le Syr Darya, qui s’écoulent dans la mer. La demande d’eau au Kazakhstan, au Kyrgyzstan, au Tadjikistan, au Turkménistan, et en Ouzbékistan dépasse déjà le débit des deux fleuves de 25 pour cent. Le Turkménistan, qui est en amont sur l’Amu Darya, prévoit de développer un demi million d’hectares supplémentaires d’agriculture irriguée. En proie à des insurrections, la région souffre du manque de coopération nécessaire au contrôle de ses rares ressources en eau. La géographe Sarah O’Hara de l’université de Nottingham qui étudie les problèmes de l’eau de la région, dit : “ Nous parlons du monde en voie de développement et du monde développé, mais il s’agit d’un monde en détérioration. ”

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Adapté du chapitre 6, “ Signes précoces de déclin, ” dans plan B 3.0 de Lester R. Brown: Mobilizing to Save Civilization (Mobiliser pour sauver la civilisation, ndlt) (New York: W.W. Norton & Company, 2008), disponible en ligne sur http://www.earthpolicy.org/Books/PB3/index.htm

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