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15 - LA NATURE DU NOUVEAU MONDE

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Earth Policy Institute, extrait du livre Plan B 2.0
Pour Diffusion immédiate, le 2 octobre 2007

LA NATURE DU NOUVEAU MONDE

texte en anglais: http://www.earth-policy.org/Books/Seg/PB2ch01_ss2.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

Nous sommes récemment entrés dans un nouveau siècle, mais sommes aussi entrés dans un nouveau monde, un monde où les collisions entre nos demandes et la capacité de la terre à les satisfaire commencent à faire partie du quotidien. Ce sera peut être une autre vague de chaleur qui fait dépérir les cultures, un autre village abandonné à cause de dunes de sables envahissantes, ou un autre aquifère qui a été pompé à sec. Si nous n'agissions pas rapidement pour inverser cette tendance, ces évènements en apparence isolés deviendront de plus en plus fréquents, s'accumulant et se combinant pour déterminer notre futur.

Les ressources qui se sont accumulées sur les éternités du temps géologique sont en train d'être consommées pendant la durée d'une seule vie humaine. Nous sommes en train de dépasser les seuils naturels que nous ne pouvons voir et de violer des délais que nous n'identifions pas. Ces délais, déterminés par la nature, ne sont politiquement pas négociables.

La nature possède beaucoup de seuils que nous ne découvrons que quand c'est trop tard. Dans notre monde en perpétuelle fuite en avant, nous apprenons que nous les avons franchis seulement après - coup, ne laissant que peu de temps pour faire les ajustements. Par exemple, quand nous dépassons les niveaux de prise soutenables d'une pêcherie, les stocks commencent à décliner. Une fois que ce seuil est dépassé, nous avons un temps limité pour faire marche arrière et alléger les prises. Si nous échouons à tenir ce délai, les populations de poissons déclinent jusqu'à un point où la pêcherie n'est plus viable, et elle s' effondre.

Nous avons appris des civilisations anciennes que les principaux indicateurs du déclin économique étaient environnementaux, pas économiques. Les arbres disparaissaient en premier, ensuite le sol, et finalement la civilisation elle même. Pour les archéologues, cette séquence est trop familière.

Notre situation aujourd'hui est un défi beaucoup plus important parce qu'en plus des forêts qui rapetissent et des sols qui s'érodent, nous devons gérer les nappes phréatiques qui déclinent, des vaques de chaleur qui qui font dépérir les cultures, des pêcheries qui s'effondrent, des déserts qui s'étendent, des prairies qui se détériorent, des récifs coralliens qui meurent, des glaciers qui fondent, des mers dont le niveau monte, des tempêtes de plus en plus puissantes, des espèces qui disparaissent, et bientôt, une offre de pétrole qui sera décroissante. Bien que ces tendances écologiquement destructives soient évidentes depuis un certain temps, et que quelques unes aient été inversées au niveau national, aucune n'a été inversée au niveau global.

La conclusion c’est que le monde est dans ce que les écologistes appellent un mode “de dépassement et d' effondrement”. La demande a dépassé le rendement soutenable des systèmes naturels au niveau local de nombreuses fois dans le passé. Maintenant, pour la première fois, cela se produit au niveau global. Les forêts se réduisent dans l'ensemble de par le monde. Les effondrements de pêcheries sont répandues. Les prairies se détériorent sur chaque continent. Les niveaux d'eau tombent dans de nombreux pays. Les émissions de dioxide de carbone (CO2) dépassent les capacités de séquestration du CO2 .

En 2002, une équipe de scientifiques conduite par Mathis Wackernagel, qui dirige maintenant le Global Footprint Network, concluait que les demandes collectives de l' humanité ont pour la première fois dépassé la capacité régénérative de la terre autour de 1980. Leur étude, publiée par l'Académie Nationale des Sciences américaine, estimait que les demandes globales en 1999 excédaient cette capacité de 20 pour cent. Ce fossé, qui grossit d' environ 1 pour cent par an, est maintenant plus important. Nous parvenons à répondre à la demande actuelle en consommant les biens (capitaux) naturels, mettant ainsi en scène le déclin et l'effondrement.

Dans une approche plutôt ingénieuse pour calculer la présence physique de l' humain sue la planète, Paul MacCready, le fondateur et chef d' AeroVironment et concepteur du premier avion à énergie solaire, a calculé le poids de tous les vertébrés sur le sol et dans l' air. Il remarque que quand l' agriculture a commencé, les humains, leur bétail et leurs animaux, représentaient ensemble moins de 0.1 pour cent du total. Aujourd'hui, il estime que ce groupe représente 98 pour cent de la biomasse totale des vertébrés de la terre, laissant seulement 2 pour cent pour la partie sauvage, cette dernière incluant tous les cerfs, gnous, éléphants, félins, oiseaux, petits mammifères, et ainsi de suite...

Les écologues sont étroitement familiers avec les phénomènes de dépassement et d'effondrement. L'un de leurs exemples favoris débute en 1944, quand les gardes côtes ont introduits 29 rennes sur l'île éloignée de St. Matthew dans la mer de Bering pour servir de source de nourriture de secours pour les 19 hommes opérant une station là bas. Après la fin de la deuxième guerre mondiale un an plus tard, la base a été fermée et les hommes ont quitté l'île. Quand le biologiste David Kline du Service américain du Poisson et de la Vie Sauvage a visité St. Matthew en 1957, il a découvert une population prospère de 1 350 rennes se nourrissant de l'épais tapis de lichen qui couvraient les 332 kilomètres carrés de l' île. En l' absence de prédateurs, la population était en train d'exploser. En 1963, elle avait atteint les 6,000. Il retourna à St. Matthew en 1966 et découvrit une île avec des squelettes de rennes et peu de lichen. Seulement 42 rennes survécurent: 41 femelles et 1 mâle en mauvaise santé. Il n'y avait pas de faons. Vers 1980, les rennes restants étaient morts.

Comme le renne sur l'île de St. Matthew, nous aussi sur-consommons les ressources naturelles. Le dépassement conduit parfois au déclin et parfois vers un effondrement complet. Ce que ce sera n'est pas toujours clair. Chez les anciens, une partie de la population ou de l'activité économique survit dans un environnement où les ressources sont épuisées. Par exemple, quand la base de ressources environnementales de l'île de Pâques dans le Pacifique sud s'est détérioré, sa population a décliné d'un maximum de 20,000 personnes il y a quelques siècles à une population qui aujourd'hui est inférieure à 4 000 habitants. En contraste, la communauté vielle de 500 ans établie à Norse au Groenland s'est effondrée vers l'an 1400, disparaissant entièrement à cause de l'adversité environnementale.

Tandis que la population globale est en train de croître et que les systèmes environnementaux supportant l' économie sont en train de se dégrader, le monde pompe le pétrole avec un abandon insouciant. Les géologues les plus pointus pensent maintenant que la production de pétrole va bientôt atteindre un pic et commencer à décroître. Même si personne ne sait exactement quand la production de pétrole va atteindre son pic, l'offre est déjà décalée par rapport à la demande, en poussant les prix vers le haut.

Confronté avec une demande apparemment insatiable pour les carburants automobiles, les paysans seront enclins à dégager de plus en plus les forêts tropicales pour produire de la canne à sucre, de l'huile de palme, et d'autres plantations lucratives d' agrocarburants. Des milliards de dollars de capitaux privés se déplacent déjà pour cet effort. En effet, le prix croissant du pétrole génére une nouvelle menace importante pour la diversité biologique de la terre.

Tandis que la demande pour des biens agricoles augmente, elle déplace le point de mire des préoccupations du commerce international : depuis le but traditionnel d'accès assuré aux marchés, vers l'accès assuré aux ressources. Les pays qui sont très dépendants de céréales importées pour la nourriture commencent à s'inquiéter que les acheteurs de distilleries de carburants pourraient surenchérir pour l'approvisionnement. Puisque la sécurité du pétrole se détériore, la sécurité alimentaire se détériorera aussi.

Tandis que le rôle du pétrole diminue, le processus de globalisation fera marche arrière de façon structurelle. Quand le monde s'est tourné vers le pétrole pendant le siècle dernier, l'économie de l' énergie est devenue plus globalisée, et le monde dépend fortement d'une poignée de pays du Moyen Orient pour leur approvisionnement énergétique. Pendant ce siècle, maintenant que le monde se tourne vers le vent, les cellules solaires et l'énergie géothermique, nous sommes témoins de la localisation de l' économie mondiale de l' énergie.

Le monde fait face à l'émergence d'une géopolitique de la rareté, qui est déjà hautement visible dans les efforts de la Chine, de l' Inde, et d'autres pays en développement pour assurer leur accès à leur approvisionnement pétrolier. Dans le futur, le problème ne sera pas seulement qui aura accès au pétrole du Moyen Orient, mais aussi à l' éthanol brésilien et aux céréales d'Amérique du Nord. Les pressions sur les ressources de terres et d'eau, déjà excessives dans la plus grande partie du monde, vont s'intensifier au delà alors que la demande pour les agrocarburants augmente. Cette géopolitique de la rareté est une manifestation précoce d'une civilisation dans un mode de dépassement et d' effondrement, similaire à celle qui a émergé entre les villes mayas en concurrence pour la nourriture dans les années de déclin de cette civilisation.

Vous n'avez pas besoin d'être un écologue pour comprendre que si les tendances environnementales récentes se poursuivent, l' économie globale va à long terme s'écraser. Ce ne sont pas les connaissances qui manquent. Le vrai sujet c'est : si les gouvernements nationaux peuvent stabiliser la population et restructurer l' économie avant qu'il ne soit trop tard.

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Adapté du Chapitre 1, “Entrer dans un nouveau monde,” du livre de Lester R. Brown, Plan B 2.0: Rescuing a Planet Under Stress and a civilisation in Trouble de Lester R. Brown (New York: W.W. Norton & Company, 2006), disponible en ligne sur : www.earthpolicy.org/Books/PB2/index.htm
(Le Plan B 2.0: Sauver une planète sous stress et une civilisation en danger, ndlt)

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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