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137 - LES PÉNURIES D’EAU MENACENT
L’AVENIR ALIMENTAIRE DU MOYEN-ORIENT ARABE

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Publication du Earth Policy Institute
Mise à jour Du Plan B
3 mai 2011

LES PÉNURIES D’EAU MENACENT L’AVENIR ALIMENTAIRE DU MOYEN-ORIENT ARABE *

 

texte original:
http://www.earth-policy.org/plan_b_updates/2011/update95

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Les soulèvements politiques qui secouent le Moyen-Orient finiront par s’apaiser. Malheureusement, surmonter les difficultés profondes mais nettement moins médiatiques qui affectent cette région du monde risque de prendre considérablement plus de temps. Parmi celles-ci, l’explosion démographique, l'extension des pénuries d'eau, et une insécurité alimentaire sans cesse croissante figurent au premier plan.

Dans certains pays, la production céréalière est en train de chuter du fait de l’assèchement des nappes phréatiques. Après l’embargo sur les exportations de pétrole mené par les pays exportateurs arabes dans les années 70, les Saoudiens se sont rendu compte que leur forte dépendance vis-à-vis des importations de céréales les exposait à un contre-embargo. De ce fait, ils se sont lancés dans la production de blé par irrigation, en adaptant la technologie des forages pétroliers pour atteindre une nappe phréatique très profonde sous le désert. L’Arabie Saoudite est devenue en quelques années auto-suffisante en blé, son aliment de base.

Mais après plus de 20 ans d’autosuffisance en blé, les Saoudiens ont annoncé en janvier 2008 que cette nappe aquifère était largement épuisé et qu’ils arrêteraient progressivement la production de blé. Entre 2007 et 2010, la récolte de blé de près de 3 millions de tonnes a chuté de plus des deux tiers. A ce rythme, les Saoudiens produiront leur dernière moisson en 2012, et seront ensuite de nouveau totalement dépendants des importations de céréales pour nourrir une population de près de 30 millions de personnes.

Cet arrêt brutal de la culture du blé en Arabie Saoudite s’explique par deux facteurs. Tout d’abord, le recours à l’irrigation est nécessaire pour pratiquer l’agriculture dans ce pays aride. Ensuite, l’irrigation dépend presque entièrement de cette nappe phréatique fossile, qui, contrairement à la plupart des aquifères, n’est pas naturellement rechargée par les pluies. Quand au dessalement de l’eau de mer auquel l’Arabie Saoudite à recours pour assurer l’alimentation de ses villes en eau potable, il est bien trop coûteux pour un usage agricole.

L’insécurité alimentaire croissante a même conduit l’Arabie Saoudite à acheter ou louer des terres dans plusieurs autres pays, parmi lesquels figurent deux des plus touchés par la faim, l’Ethiopie et le Soudan. Les saoudiens envisagent en effet de produire eux-mêmes leur nourrituravec les ressources en eau et en terres de ces autres pays pour sécuriser des besoins en importations, par ailleurs en forte croissance.

Au Yémen voisin, les nappes phréatiques renouvelables sont pompées bien au-delà du taux de renouvellement, et nappes fossiles situées à plus grande profondeur s’épuisent également rapidement. En conséquence, les nappes phréatiques baissent dans tout le Yémen d’environ 2 mètres par an. Dans la capitale, Sanaa, 2 millions d’habitants, l’eau du robinet n’est disponible qu’un jour sur quatre ; à Taiz, plus petite ville au sud, elle ne l'est qu’un jour sur 20.

Au Yémen voisin, les nappes phréatiques renouvelables sont pompées bien au-delà du taux de recharge naturel ; de plus, les nappes fossiles plus profondes s'épuisent également trop rapidement. En conséquence, les nappes phréatiques baissent dans tout le Yémen d'environ 2 mètres par an. Dans la capitale, Sanaa, une ville de 2 millions d’habitants, l'eau courante n’est disponible qu’un jour sur quatre ; à Taiz, ville plus petite au sud du pays, c’est un jour sur 20 seulement.

L’alimentation en eau du Yémen, dont la croissance démographique est l’une des plus fortes au monde, devient chaque jour plus difficile. La production de céréales a reculé d'un tiers au cours des 40 dernières années avec la baisse des nappes phréatiques, alors que la demande a continué à augmenter régulièrement. Les Yéménites importent maintenant de ce fait plus de 80 pour cent de leurs céréales. Le Yemen est le plus pauvre des pays arabes ; entre de faibles exportations pétrolières, en diminution constante, une absence quasi totale d’industrie, et près de 60 pour cent d’enfants souffrant de malnutrition et de sous-alimentation chronique, l’avenir de ce pays parait plus que compromis.

Il semble inévitable en effet que l'épuisement des nappes phréatiques du Yémen (qui conduira à une baisse supplémentaire de sa production agricole et à la généralisation de la famine et du manque d’eau potable), conduise à l'effondrement social du pays. Déjà rangé au nombre des Etat défaillants, le Yemen pourrait éclater en une mosaïque de fiefs tribaux, en guérilla permanente pour le contrôle des dernières ressources en eau. Les conflits internes du Yémen pourraient déborder au delà de sa frontière avec l'Arabie Saoudite, très étendue et non surveillée.

A l’éclatement de la bulle alimentaire en Arabie Saoudite et à la détérioration rapide des ressources en eau du Yémen s’ajoutent les problèmes d'eau de la Syrie et de l’Irak, les deux autres pays très peuplés de la région. Une partie de ces problèmes provient de la réduction des débits du Tigre et de l'Euphrate dont ils dépendent pour l'irrigation. La Turquie, qui contrôle les sources de ces fleuves, s’est lancée dans un vaste programme de construction de barrages avec pour conséquence une réduction de débit en aval. Bien que les trois pays négocient des accords sur le partage de l'eau, les objectifs ambitieux de la Turquie en terme de développement de l’hydroélectricité et de l'irrigation sont en partie atteints au détriment de ses deux voisins en aval.

Du fait de cette incertitude sur la disponibilité de l’eau de ces deux fleuves, les agriculteurs multiplient les forages en Syrie et en Irak. Il en résulte un surpompage et une bulle alimentaire dans les deux pays. La production de céréales de la Syrie a chuté d'un cinquième après un maximum de près de 7 millions de tonnes en 2001. En Irak, la récolte de céréales a chuté d’un quart depuis son maximum de 4,5 millions de tonnes atteint en 2002.

La Jordanie, avec 6 millions d’habitants, est également le dos au mur sur le plan agricole. Il y a une quarantaine d'années, elle produisait plus de 300 000 tonnes de céréales par an, au lieu de 60 000 aujourd’hui, et doit donc importer plus de 90 pour cent de ses céréales. Dans cette région, seul le Liban a réussi à maintenir sa production céréalière.

C’est donc au Moyen-Orient, où la croissance démographique est élevée, que le monde observe au niveau régional le premier choc entre croissance démographique et ressources en eau. Pour la première fois dans l’histoire, la production céréalière est en baisse dans une région géographique entière, sans aucune perspective pour enrayer le déclin. En raison de l’incapacité des gouvernements de la région à accorder leurs politiques démographiques et leur gestion de l’eau, chaque jour qui passe compte désormais 10000 bouches supplémentaires à nourrir et de moins en moins d’eau à consacrer à l’irrigation pour y parvenir.

*NOTE: Cet article a originellement été publié dans The Guardian le vendredi 22 avril 2011 :
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2011/apr/22/water-the-next-arab-battle

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