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133 - REPENSER L’AVENIR ÉNERGÉTIQUE DU JAPON

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Publication de l’Earth Policy Institute
Mise à jour du Plan B
7 avril 2011

REPENSER L’AVENIR ÉNERGÉTIQUE DU JAPON

 

texte original:
www.earth-policy.org/plan_b_updates/2011/update94

J. Matthew Roney, traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Les personnels d’intervention sont toujours en train de lutter pour stabiliser la centrale nucléaire endommagée de Fukushima Daichi suite au tremblement de terre de magnitude 9 et au tsunami qui ont dévasté le nord-est du Japon. Au delà du besoin immédiat de minimisation des fuites radioactives futures et de protection de la santé publique, le gouvernement commence à réexaminer ses prévisions à long terme de développement de l’énergie nucléaire. Les médias internationaux ont comme à l’habitude indiqué que si le nucléaire était écarté, l’augmentation de la production électrique du Japon proviendrait du gaz, du charbon et du pétrole. Mais les dirigeants de Tokyo n’ont pas de raison se limiter à ces seules options. Une analyse des potentiels du Japon en terme d’énergies géothermique, éolienne et solaire montre que les ressources renouvelables du pays pourraient aisément alimenter la 3ème économie du monde.

Les conséquences des deux catastrophes naturelles ont mis en lumière la vulnérabilité d’un pays dont la grande majorité des besoins énergétiques dépend d’importations. Le Japon importe tout l’uranium utilisé comme combustible dans ses réacteurs nucléaires, qui représentent 11% de sa consommation d’énergie ; il est le premier importateur mondial de charbon et de gaz naturel qui représentent respectivement 21 et 17% de sa consommation énergétique. Il est aussi le 3ème importateur mondial de pétrole, ce dernier étant utilisé en grande partie dans le secteur des transports et représente 46% de la consommation énergétique du pays. Le reste provient de sources renouvelables, essentiellement de l’énergie hydraulique. L’importation de l’intégralité de son uranium et de son charbon, et de pratiquement tout son pétrole et gaz naturel coûte chaque année au Japon près de 160 milliards de dollars.

japon energie

Lorsque l’on considère les risques propres à l’énergie nucléaire, l’instabilité politique chronique affectant certaines zones majeures de production pétrolière, ainsi que l’instabilité climatique et les maladies provoquées par la pollution (conséquences de la consommation ininterrompue de combustibles fossiles), le modèle économique et énergétique actuel du Japon apparaît comme fortement incertain mais les énergies d’origine géothermique, éolienne et solaire peuvent considérablement changer cette situation.

Situé sur la zone tectonique active de la ‘Ceinture de feu du Pacifique’, le Japon est l’un des pays qui dispose des plus grandes ressources géothermiques, avec presque 200 volcans et près de 28000 sources d’eaux chaudes. Sur la base des technologies conventionnelles, l’énergie géothermique pourrait fournir une capacité de production électrique de plus de 80000 mégawatts, permettant de couvrir la moitié des besoins en électricité du pays. Mais la technologie des Systèmes géothermiques avancés (EGS) désormais disponible permet d’augmenter considérablement le potentiel géothermique du pays. Par exemple, d’après une étude de l’U.S. Geological Survey, l’utilisation de l’EGS multiplierait par 13 les ressources géothermiques estimées des Etats-Unis.

Malgré ces énormes ressources, le Japon n’a développé aujourd’hui que 536 mégawatts de capacité de production géothermique depuis la mise en service initiale d’une première centrale à la préfecture d’Iwate en 1966. (Voir les données) La géothermie fournit moins de un pour cent de l’électricité utilisée par an au Japon. Dans ce contexte, le fait que 3 sociétés japonaises (Fuji, Toshiba, et Mitsubishi) produisent les deux tiers des turbines géothermiques au niveau mondial est particulièrement surprenant.

De même, l’énorme potentiel éolien du Japon est peu exploité. Fin 2010, le Japon avait installé 2300 mégawatts de capacité éolienne, soit de quoi couvrir les besoins de 700 000 foyers japonais. Les objectifs officiels pour 2020 et 2030 sont de 10000 et 20000, ce dernier chiffre représentant 6 % de la consommation électrique actuelle du Japon. Mais une étude de 2009 publiée dans un compte-rendu de l’Académie Nationale des Sciences estime que les ressources éoliennes terrestres du Japon pourraient produire la moitié de son électricité ; et en prenant en compte les ressources offshores, le potentiel éolien dépasse de loin ses besoins actuels en électricité.

Les objectifs Japonais les plus ambitieux en matière d’énergies renouvelables sont ceux relatifs au solaire photovoltaïque (PV), essentiellement sous la forme de panneaux installés sur les toits. Parmi les leaders mondiaux en terme de capacité PV installée, le Japon a mis en service en 2010 une puissance estimée de 900 mégawatts, portant sa puissance totale à plus de 3500 mégawatts. Le Japon prévoit de multiplier ce chiffre par 8 d’ici 2020 pour atteindre 28000 mégawatts, puis 53000 en 2030. Ce chiffre permettrait de couvrir les besoins de 18 millions de foyers japonais.

 

Le solaire PV doit sa rapide progression aux fortes politiques incitatives mises en place au Japon. Le gouvernement prend par exemple en charge jusqu’à 35 % des coûts d’installation d’un système PV individuel. L’obligation qu’ont les fournisseurs de racheter aux propriétaires individuels à un tarif privilégié l’électricité d’origine renouvelable renvoyée sur le réseau rend le PV résidentiel encore plus attractif. Mis en place à la mi 2009, le tarif de rachat du PV au Japon est près de 2 fois supérieur au tarif de vente normal du kilowatt-heure aux particuliers. De plus, grâce aux progrès technologiques et aux nouvelles installations prévues dans le cadre du programme PV2030+, le gouvernement vise à faire du solaire PV l’une des solutions de production électrique les moins chères du marché.
Alors que la généralisation à large échelle du PV semble en bonne voie, de nombreux obstacles ont entravé le développement des énergies géothermique et éolienne. Une contrainte importante est la disproportion des financements pour la recherche, le développement et la démonstration de faisabilité (RD&D) alloués aux différentes technologies. La filière géothermique n’a reçu absolument aucun financement de RD&D de la part du gouvernement depuis 2002. Le financement de la filière éolienne est de l’ordre de 10 millions de dollars par an, sans commune mesure avec les 2,3 milliards de dollars alloués chaque année à l’industrie nucléaire.

La géographie est aussi un facteur limitant du développement de l‘éolien et de la géothermie. Les meilleures ressources éoliennes terrestres du Japon se situent au nord et au sud du pays, alors que les besoins sont surtout localisés au centre. Une extension du réseau et des lignes de transport d’électricité sera donc nécessaire pour une exploitation efficace de l’énergie éolienne Japonaise. Une grande partie du potentiel géothermique du Japon est situé dans des parcs nationaux protégés par des lois des années 1970s. Mais l’absence d’impact environnemental significatif du développement de la géothermie pourrait encourager le gouvernement à revoir cette politique.

Au delà de leur capacité à couvrir plusieurs fois les besoins électriques actuels du Japon, les énergies géothermique et éolienne japonaises pourraient aussi remplacer à moindre coût une grande partie du pétrole utilisé dans le secteur du transport. Le Japon dispose déjà d’un impressionnant réseau ferroviaire comparé aux autres pays industrialisés. Sur ce plan, l’avenir réside dans l’augmentation du transport ferroviaire sur des lignes électrifiées en remplacement de la route, dans le développement du tramway et du métro en ville, dans l’accélération du remplacement des automobiles classiques par des voitures rechargeables hybrides ou tout électrique alimentées avec de l’électricité issue en grande partie de sources renouvelables.

Alors que le Japon se relève des conséquences désastreuses du tremblement de terre et du tsunami qui l’ont frappé, le pays devra décider s’il s’appuie encore plus fortement sur une énergie nucléaire par nature risquée et sur des importations de combustibles fossiles, ou s’il s’engage dans une nouvelle politique énergétique. Si le pays se tournait à la place vers les énergies renouvelables, il investirait dans la santé, la sécurité énergétique et le bien être de ses habitants. Il éviterait non seulement le risque d’une future contamination radioactive de l’air, de l’eau et des cultures, mais il économiserait aussi chaque année les dizaines de milliards de dollars dépensés en importations. Ceci aiderait aussi au développement de ses industries du secteur des énergies renouvelables, déjà impressionnantes : le Japon était en 2009 le 2ème fabricant mondial de PV derrière la Chine, et comme nous l’avons vu, les entreprises japonaises dominent la production mondiale de turbines géothermiques.

Manifestement, le Japon n’est pas condamné à choisir entre le risque nucléaire et le réchauffement de la planète. En s’engageant pleinement dans l’éolien, le solaire et la géothermie, le Japon pourrait abandonner tous ses projets de centrales nucléaires thermiques conventionnelles, remplacer les centrales existantes, et créer un système de transport sans émissions de carbone.

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