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129 - LA MOINDRE MAUVAISE RÉCOLTE PEUT FAIRE BASCULER LE MONDE DANS LE CHAOS

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Publication de l’Earth Policy Institute
Mise à jour du Plan B
15 Février 2011

LA MOINDRE MAUVAISE RÉCOLTE PEUT FAIRE BASCULER LE MONDE DANS LE CHAOS

 

texte original:
http://www.earth-policy.org/plan_b_updates/2011/update91

Lester R. Brown , traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti

Début janvier la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) a annoncé que l’Indice des Prix Alimentaires qu’elle calcule avait battu en décembre son précédent record datant de la hausse des prix de 2007-2008. Fait encore plus alarmant, elle a annoncé le 3 février que, de par une augmentation supplémentaire des prix de 3 pour cent, le record de décembre avait de nouveau été battu en janvier.

Cette augmentation des prix alimentaires se poursuivra-t-elle dans les mois à venir ? Selon toute vraisemblance, nous allons voir de nouvelles hausses qui vont faire entrer le monde en territoire inconnu en terme de relations entre prix alimentaires et stabilité politique.

Tout dépend maintenant de la production agricole de cette année. Les prix ne pourront être ramenés à des niveaux plus raisonnables que par une production exceptionnelle de céréales, bien plus importante que celle record de 2008 qui avait permis en conjonction avec la récession économique de mettre fin à l’augmentation du prix céréaliers de 2007-2008. Le marché mondial des céréales peut désormais sombrer dans le chaos à la moindre mauvaise récolte.

A long terme, il va devenir plus difficile de faire croître rapidement la production alimentaire quand les ‘bulles’ alimentaires créées par le sur pompage de l’eau souterraine vont éclater, provoquant une baisse de la production céréalières dans de nombreux pays. Parallèlement, l’instabilité climatique croissante, qui va se traduire en particulier par une augmentation de la fréquence et de la sévérité d’évènements climatiques extrêmes, rendra encore plus imprévisible l’augmentation de cette production.

Au cours des dernières décennies, près de 18 pays (dont les trois premiers producteurs mondiaux de céréales que sont la Chine, l’Inde et les Etats-Unis) ont augmenté leur production alimentaire en sur pompant leurs nappes phréatiques pour irriguer leurs cultures. L’éclatement des bulles alimentaires lié à ce sur pompage va provoquer une diminution drastique de la production dans certains pays ; d’autres n’enregistreront que de simples tassements de la croissance de la production. L’Arabie Saoudite, autosuffisante pendant plus de 20 ans, voit aujourd’hui sa production de blé s’effondrer ; celle-ci s’arrêtera vraisemblablement d’ici moins d’un an avec l’épuisement de son aquifère fossile, non rechargeable.

En Syrie et en Irak, la production de blé diminue lentement avec l’assèchement des puits d’irrigation. Le Yémen est un cas désespéré sur le plan hydrologique : les nappes phréatiques baissent à travers tout le pays, et les puits sont en voie d’assèchement. L’éclatement de ces bulles alimentaires fait du Moyen-Orient arabe la première région géographique où l’épuisement des aquifères provoque la diminution de la production céréalière.

Cependant, même si les baisses au Moyen-Orient sont spectaculaires, les plus grosses bulles alimentaires se trouvent en Inde et en Chine. Une étude de la Banque Mondiale indique que l’alimentation de 175 millions de personnes en Inde et de 130 millions en Chine dépend du sur pompage. Pour ces 2 géants démographiques, le développement de ces pénuries d’eau va rendre encore plus compliquée l’augmentation de leur approvisionnement alimentaire.

Les agriculteurs vont devoir affronter non seulement l’assèchement des puits mais aussi le changement climatique. Une loi empirique des agro-écologues indique qu’une augmentation de la température de 1° C pendant la période de croissance de la plante se traduit par une perte des rendements en céréales de 10%. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que les températures étouffantes à l’Ouest de la Russie l’été dernier aient provoqué une baisse de la récolte de 40 pour cent.

Il existe aujourd’hui 3 facteurs contribuant à l’augmentation de la demande alimentaire. Le premier est la croissance démographique : la planète compte chaque soir à dîner 219 000 personnes de plus que la veille, dont beaucoup se trouvent devant des assiettes vides. Le second est l’accession à la prospérité : près de 3 milliards de personnes aspirent à une alimentation plus riche, en viande, lait et œufs, fortement consommatrice en céréales. Et le troisième est la transformation d’immenses quantités de céréales en éthanol, c’est-à-dire en carburant automobile. Environ 120 millions des 400 millions de tonnes de la production américaine 2010 de céréales va finir dans les distilleries d’éthanol.

D’une façon encourageante, le président français Sarkozy a juré d’utiliser son mandat de président du G20 en 2011 pour stabiliser les prix alimentaires. Pour l’instant le discours n’a porté que sur des mesures relatives à la régulation des restrictions à l’exportation et de la spéculation, mais si le G20 en reste à traiter les symptômes et non les causes, cet effort n’aura pas grand résultat.

Nous avons besoin aujourd’hui d’un effort à l’échelle mondiale pour augmenter la productivité hydrique, similaire à celui lancé il y a près de 50 ans par la communauté internationale pour augmenter la productivité des terres cultivables, et qui a permis de tripler au niveau mondial entre 1950 et 2010 le rendement céréalier à l’hectare.

Sur le front du climat, l’objectif de réduction des émissions de carbone de 80 pour cent d’ici 2050 (largement accepté par les gouvernements) n’est pas suffisant. Il s’agit maintenant de réduire ces émissions d’ici 2020 grâce à une mobilisation comparable à celle lancée par les Etats-Unis au cours de le seconde guerre mondiale, pour augmenter l’efficacité énergétique et passer des énergies fossiles aux énergies éolienne, solaire et géothermique.

Pour limiter la demande, nous devons accélérer la transition vers des cellules familiales de taille plus petites. 215 millions de femmes à travers le monde souhaitent pouvoir choisir le nombre de leurs enfants, mais n’ont pas accès à des services de planning familial. En parallèle à la réponse à ce besoin, nous devons aussi lancer une lutte acharnée d’éradication de la pauvreté. Une fois installées, ces deux tendances constituent ensemble un cercle vertueux, se renforçant l’une l’autre.

Enfin, la transformation de céréales en carburant automobile n’est pas viable, dans un monde de plus en plus confronté à la famine. Il faut supprimer les subventions à la transformation des céréales et d’autres cultures en carburant. Si le Président Sarkozy arrive à ce que le G20 se concentre sur les causes de l’augmentation des prix alimentaires, et non uniquement sur les symptômes, alors ces prix pourront être stabilisés à des niveaux plus raisonnables.

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Lester R. Brown est le Président de l’Earth Policy Institute et l’auteur de World on the Edge: How to Prevent Environmental and Economic Collapse (http://www.earth-policy.org/books/wote).

Copyright © 2011 Earth Policy Institute

NOTE: Cet article a initialement été publié dans Global Viewpoint, LA Times Syndicate, le lundi 9 février 2011.



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