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06 - BUDGET DU PLAN B POUR RESTAURER LA TERRE

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Earth Policy Institute, extrait du livre Plan B 2.0
Pour Diffusion immédiate, le 9 avril 2007

BUDGET DU PLAN B POUR RESTAURER LA TERRE

texte en anglais:
http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB2ch08_ss7.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka.

La santé d'une économie ne peut être séparée de celle des écosystèmes naturels qui la soutiennent. Plus de la moitié des personnes dans le monde dépendent directement des terres cultivales, des prairies, des forêts et des pêcheries pour vivre. Beaucoup plus dépendent des industries de production forestières, des industries du cuir, des industries du textile du coton et de la laine, et de l'industrie agro-alimentaire pour leurs emplois.

Une stratégie pour éradiquer la pauvreté ne fonctionnera pas si les systèmes de support environnementaux s'effondrent. Si la couche arable des terres s'érode et que les récoltes diminuent, si les réserves d'eau se réduisent et que les puits sont à sec, si les prairies se transforment en déserts et que le bétail meurt de faim, si les pêcheries s'effondrent, et que les forêts rapetissent, et si des températures croissantes brûlent les récoltes, un programme d'éradication de la pauvreté (peu importe comment il sera conçu et implémenté) sera un échec.

Restaurer la terre demandera un effort international conséquent, sans doute plus important que le plan Marshall souvent cité qui a aidé à la reconstruction de l'Europe et du Japon. Et une telle initiative doit être prise à une allure digne d'une situation de guerre avant que la détérioration environnementale ne se traduise en déclin économique, comme cela s'est produit pour des civilisations qui ont ignoré les seuils et les délais imposés par la nature.

Nous pouvons grossièrement estimer combien il coûtera de reforester la planète, protéger la couche arable des sols, restaurer les prairies et les pêcheries, stabiliser les réserves d'eau, et protéger la biodiversité. Là ou les données et informations manquent nous feront des suppositions. le but n'étant pas d'avoir une série de chiffres précis, mais un ensemble d'estimations raisonnables pour un budget de restauration de la terre.

En calculant le coût de la déforestation, le regard se tourne vers les pays en voie de développement, puisque les zones forestières sont déjà en expansion dans les pays industriels de l'hémisphère nord. Répondre à la demande croissante de bois de chauffage dans ces pays demandera environ 55 millions d'hectares supplémentaires de zone forestière. Ancrer les sols et restaurer leur stabilité hydrologique demanderait environ encore 100 million d'hectares situés dans des milliers de bassins hydrographiques des pays en voie de développement. Acceptant une redondance entre ces derniers, nous réduisons le total de 155 millions à un total de 150 millions d'hectares. Derrière cela, il faut 30 millions d'hectares de plus pour produire du bois de construction, du papier, et d'autres produits forestiers.

Seulement une faible fraction de cette plantation d'arbres viendra de plantations. La plupart de ces plantations sera faite à l'extérieur des villages, au bord des champs, le long des routes sur des petits espaces de terre laissés en marge, et sur des flancs de collines dénudés.

La grande success story sur la reforestation est la Corée du Sud, qui a pendant les 40 dernières années a reforesté ses montagnes et ses collines autrefois dénudées en utilisant des travailleurs mobilisés localement. D'autres pays, incluant la Chine, ont essayé la reforestation extensive le plus souvent sous des conditions arides et avec des succès moindres. La Turquie a un programme ambitieux de reforestation de base sous la responsabilité des ONG locales, reposant surtout sur le bénévolat. De la même façon, le Kenya, où des groupes de femmes menées par le Prix Nobel de la Paix Wangari Maathai ont planté 30 million d'arbres.

Si les plants coûtent 33 Euros le millier, comme l'estime la Banque Mondiale, et que le taux de plantation est d'environ 2 000 par hectare, alors les plants coûteront 66 Euros par hectare. Les coûts de plantation sont élevés, mais comme la majorité du travail pour planter ces arbres serait fait par des bénévoles recrutés localement, nous estimons à 333 Euros par hectare, comprenant le coût des plants et le travail. Avec un total de 150 millions d'hectares à planter pendant la prochaine décennie, cela revient à replanter 15 millions d'hectares par an à 333 Euros chacun, soit une dépense annuelle de 5 milliards d' Euros.

Conserver l'humus du sol en réduisant l'érosion au taux de formation du nouveau sol ou en dessous implique deux étapes principales. La première est de supprimer les surfaces trop fragiles et qui ne peuvent continuer à être cultivées sont estimées à un dixième de la surface cultivable mondiale ce qui représente à peu près la moitié de toute l' érosion. Pour les États-Unis, cela signifie retirer 14 million d' hectares, à un coût de 105 € par hectare, pour un coût approchant 1,7 milliards d' Euros.

La seconde initiative consiste à adopter des pratiques de conservation sur les terres restantes qui sont sujettes à une érosion excessive, c'est à dire une érosion supérieure à la vitesse naturelle de formation d'un nouveau sol. Cette initiative inclut des aides pour motiver les paysans à adopter des pratiques de conservation comme l'agriculture en contour, l'agriculture en bandes, et, de plus en plus, une agriculture avec un minimum de labour ou pas de labour. Ces dépenses aux États-Unis s'élèvent à environ 1 milliard de $ par an.

En extrapolant ces estimations au monde, on considère qu'environ 10 pour cent des terres agricoles mondiales sont très sensibles à l'érosion et devraient être plantés d'herbe ou d'arbres avant que la surface cultivable du sol soit perdue et devienne des terres stériles. Aux États-Unis et en Chine, les deux premiers pays producteurs de nourriture, qui totalisent un tiers de la récolte mondiale de céréales, l'objectif officiel est de réduire d'un dixième la surface cultivable. En Europe, il est probable que ce soit un peu moins de 10 pour cent , mais en Afrique ou les pays des Andes cela pourrait être significativement plus élevé. pour le monde dans son ensemble, convertir 10 pour cent des surfaces cultivables qui sont très sensibles à l'érosion à l'herbe ou aux arbres, semble être un but raisonnable. comme cela coûte 1,7 milliards d' Euros aux États-Unis, qui représentent un huitième de la surface agricole mondiale, le total mondial serait de plus de 13 milliards d' Euros annuels.

En supposant que le besoin en pratiques luttant contre l'érosion pour le reste du monde est similaire à celui des États-Unis, nous multiplions à nouveau les dépenses américaines par huit pour avoir un total de 6,6 milliards d' Euros pour le monde. Les deux ensemble (13,3 milliards d' Euros pour mettre en jachère de la terre hautement sensible à l'érosion et 6,7 milliards d' Euros pour adopter des pratiques de conservation) donnent un total annuel mondial de 20 milliards d' Euros.

Pour chiffrer les coûts de protection et de restauration des prairies, nous utilisons le Plan d'action des Nations Unies pour combattre la désertification. Ce plan, qui se concentre sur les régions sèches du monde, contenant presque 90 pour cent de toutes les prairies, estime qu'il coûterait environ 152,5 milliards d' Euros (sur une période de restauration de 20 ans) ou 7,5 milliards d' Euros par an. Les principales mesures de restauration sont une gestion améliorée des prairies, des incitations financières pour éliminer les surplus, et la mise en place d'une couverture végétale avec des périodes de repos adaptées, pendant lesquelles les pâturages seraient interdits.

C'est une entreprise coûteuse, mais chaque Euro investi dans la restauration des prairies donne un retour sur investissement de 2 Euros dû à la productivité accrue de l'écosystème des prairies. D'un point de vue sociétal, les pays aux larges populations pastorales, où la détérioration des prairies est concentrée, sont invariablement parmi les plus pauvres du monde. L'alternative à l'action (donc ignorer la détérioration) n'apporte pas seulement une perte de productivité des terres, mais aussi à terme une perte des moyens de subsistance et des millions de réfugiés, certains migrant vers les villes voisines et d'autres émigrant.

La restauration des pêcheries océaniques passe avant tout par la création d'un réseau mondial de réserves marines, qui couvrirait environ 30 pour cent de la surface des océans. Pour cet exercice nous utilisons les calculs détaillés fournis par le Groupe de protection de la Biologie à l'Université de Cambridge. Le montant des dépenses est estimé à 10,8 milliards d' Euros par an.

Pour la protection de la faune, la facture est plus élevée. Le Congrès des Parcs Mondiaux estime que le manque financier pour gérer et protéger les surfaces existantes désignées comme des parcs se chiffre à environ 20,8 milliards d' Euros par an. Des surfaces supplémentaires sont requises, dont celles qui contiennent comprennent des hauts lieux de biodiversité n'ont pas été rattachés aux parcs déjà désignés, qui rajouterait 5 milliards d' Euros par an en atteignant un total de 25,8 milliards d' Euros.

Il existe une activité, stabiliser les réserves d'eau, pour lesquelles nous n'avons pas d'estimation, seulement une idée grossière. La clef pour stabiliser les réserves d'eau, est d'augmenter la productivité de l'eau, et pour cela nous disposons d'une expérience accumulée depuis un demi siècle, quand le monde a débuté à systématiquement faire croître la productivité de la terre. Les éléments nécessaires pour bâtir un modèle comparable de l'eau est la recherche pour développer des pratiques et technologies pour une irrigation plus économe en eau. La dissémination des résultats de recherche aux agriculteurs, et des incitations économiques encouragent les agriculteurs à adopter et à utiliser ces pratiques et technologies améliorées pour l' irrigation.

Dans certains pays, le capital nécessaire four financer un programme d'augmentation de la productivité de l'eau peuvent venir de l'annulation des subventions qui encouragent souvent le gaspillage de l'eau d'irrigation. Parfois ce sont des subventions à l'énergie, comme en Inde; d'autres fois, ce sont des subventions qui fournissent de l'eau à un prix inférieur à son coût réel, comme c'est le cas aux États-Unis. En terme de ressources supplémentaires nécessaires sur le plan mondial, comprenant des incitations économiques pour les agriculteurs à utiliser des pratiques et technologies plus efficaces pour l'eau, nous estimons que cela représente une dépense supplémentaire de 8,3 milliards d' Euros.

Au total, restaurer la terre demandera des dépenses supplémentaires de 77,4 milliards d' Euros. Beaucoup se demanderont si le monde peut se le permettre? Mais la bonne question est en fait est ce que le monde peut se permettre de ne pas faire ces investissements?

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BUDGET PLAN B – Partie 2: Budget annuel de restauration de la terre en Euros

Besoins financiers

5 milliards
20 milliards
7,5 milliards
10,8 milliards
25,8 milliards
8,3 milliards

77,4 milliards

Affectations

Reforester la planète
Protéger les terres arables
Restaurer les prairies
Restaurer les pêcheries
Protéger la biodiversité
Stabiliser les réserves d'eau

TOTAL

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Source: Earth Policy Institute, voir http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB2ch08_ss7.htm#table1.

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Ceci est la deuxième partie d'une série de trois articles qui traitent de la partie budgétaire du Plan B. la première, “BUDGET DU PLAN B POUR ERADIQUER LA PAUVRETÉ ET STABILISER LA POPULATION” peut se trouver en français sur:
www.ecologik-business.com/newsletters/newsle05.html
et en anglais sur: www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB2ch07_intro.htm.

Adapté du Chapitre 8, “Restaurer la Terre,” du livre de Lester R. Brown, Plan B 2.0: Rescuing a Planet Under Stress and a Civilization in Trouble de Lester R. Brown (New York: W.W. Norton & Company, 2006), disponible en ligne sur www.earthpolicy.org/Books/PB2/index.htm
(Le Plan B 2.0: Sauver une planète sous stress et une civilisation en danger, ndlt)

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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E-mail: rjk (at) earthpolicy.org

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Web: www.earthpolicy.org

 
 
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