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44 - ETENDRE LES ZONES MARINES PROTEGEES POUR RESTAURER LES PECHERIES

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Earth Policy Institute,
extrait du livre Plan B 3.0
Pour diffusion immédiate,
le 13 novembre 2008

 

ETENDRE LES ZONES MARINES PROTEGEES POUR RESTAURER LES PECHERIES

 

Texte original: http://www.earthpolicy.org/Updates/2008/Update79.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

Après la deuxième guerre mondiale, l'accélération de la croissance démographique et l’augmentation constante des revenus ont provoqué la hausse de la demande pour les produits de la mer à un rythme record. Dans le même temps, les avancées technologiques de la pêche, incluant les énormes navires usines frigorifiés, ont permis aux chalutiers d'exploiter les océans éloignés, permettant aux pêcheurs de répondre à la demande mondiale croissante. Le résultat est que les prises de poissons océaniques ont grimpé de 19 millions de tonnes en 1950 à leur plus haute valeur historique de 93 millions de tonnes en 1997. Cette croissance quintuple, plus que le double de la population, a fait passer la fourniture de produits de la mer par personne dans le monde, de 7 kilogrammes en 1950 à un pic de 17 kilogrammes en 1988. Depuis, elle est retombée à 14 kilogrammes.

Comme la population croît et que les systèmes modernes de distribution alimentaire donnent à plus de gens l’accès à ces produits, la consommation de produits de la mer se développe. En fait, l'appétit humain pour les produits de la mer devient supérieur à la production soutenable des pêcheries océaniques. Aujourd'hui, 75 pour cent des pêcheries sont pêchées au niveau de leur capacité soutenable ou au delà. En conséquence, beaucoup sont en régression et certaines se sont effondrées.

Alors que les pêcheries océaniques font face à de nombreuses menaces, c'est la surpêche qui menace directement leur survie. Les captures océaniques ont augmenté avec l'évolution de nouvelles technologies, allant du sonar pour traquer les bancs de poissons aux grands filets dérivants qui mis bout à bout sont assez longs pour faire plusieurs fois le tour de la terre. De fait, une étude faisant date parue en 2003 dans la revue Nature a conclu que 90 pour cent des grands poissons dans les océans avaient disparus au cours des 50 dernières années, en raison de cette expansion.

Les pêcheries s'effondrent dans le monde entier. La pêcherie de morue du Canada, vieille de 500 ans, a décliné au début des années 90, privant d'emploi quelques 40 000 pêcheurs et transformateurs de poissons. Les pêcheries au large de la côte de la Nouvelle Angleterre ont bientôt suivi. Et en Europe, les pêcheries de morue sont en régression, approchant la chute libre. Comme la pêcherie de la morue canadienne, celles européennes ont peut être été réduites au point de non retour. Les pays qui ne font pas respecter les limites extrêmes de la nature en arrêtant la surpêche sont confrontés au déclin et à l’effondrement des pêcheries.

Les stocks atlantiques de thon rouge, fortement pêché (dont un grand spécimen, destiné aux restaurants de sushi de Tokyo, peut rapporter 100 000 dollars), ont été réduits dans la proportion stupéfiante de 94 pour cent. Cela prendra des années pour que les stocks de telles espèces à grande durée de vie se rétablissent, même si leur pêche s'arrêtait complètement.

La baie de Chesapeake aux États-Unis, qui fournissait près de 16 000 tonnes d'huîtres par an il y a un demi-siècle, en produit maintenant à peine 450 tonnes par an. Une combinaison mortelle de surpêche, de polluants, de maladies des huîtres, et d'envasement du à l'érosion du sol en sont responsables.

Même parmi des pays habitués à travailler ensemble, comme ceux de l'Union Européenne (UE), parvenir à négocier des quotas de prises à des niveaux soutenables peut être difficile. En avril 1997, après des négociations prolongées, un accord fut trouvé à Bruxelles pour réduire jusqu'à 30 pour cent la capacité de pêche des flottes de l'UE, pour les espèces en danger et les stocks surexploités. L'UE a finalement trouvé un accord sur la réduction des prises mais ces réductions et les suivantes n'ont pas été suffisantes pour arrêter le déclin des pêcheries de la région.

Quand des pêcheries s'effondrent, cela exerce plus de pression sur celles qui restent. Les pénuries locales deviennent rapidement des pénuries globales. Avec des restrictions sur les prises dans les eaux surexploitées de l'UE, les flottes de pêche fortement subventionnées de l'UE se sont tournées vers la côte ouest de l'Afrique, en achetant des autorisations de pêche au large des côtes du Cap Vert, de la Guinée-Bissau, de la Mauritanie, du Maroc, et du Sénégal. Elles y concurrent des flottes venues de Chine, du Japon, de Russie, de Corée du Sud, et de Taiwan. Pour des pays appauvris comme la Mauritanie et la Guinée-Bissau, le revenu des permis de pêche peut fournir jusqu'à la moitié des recettes du gouvernement. Malheureusement pour les Africains, leur pêcheries s'effondrent aussi.

La pêche excessive n'est pas la seule menace pour la fourniture mondiale des produits de la mer. Environ 90 pour cent des poissons résidant dans l'océan dépendent des marécages, des marais de palétuviers (mangroves), ou des fleuves côtiers en tant que zones de frai. Bien plus de la moitié des mangroves dans les pays tropicaux et subtropicaux ont été perdues. La disparition des zones humides côtières dans les pays industriels est encore plus grande. En Italie, dont les zones humides sont les nurseries pour beaucoup de pêcheries méditerranéennes, la perte représente un exorbitant 95 pour cent.

Les dommages aux récifs coralliens dus à l’élévation des températures des océans et à leur acidification, provoquées par l’augmentation des niveaux atmosphériques de dioxyde de carbone, comme les dommages liés à la pollution et aux dépôts de sédimentaires, menacent ces lieux de reproduction pour les poissons dans les eaux tropicales et subtropicales. Entre 2000 et 2004, la part mondiale des récifs détruits et de ceux qui ont perdu 90 pour cent de coraux vivants, est passée de 11 pour cent à 20 pour cent. Environ 24 pour cent des récifs restants risquent un effondrement imminent, et 26 autres pour cent seront confrontés à une perte significative dans les prochaines décennies, à cause des pressions humaines croissantes. Comme les récifs se détériorent, il en est de même pour les pêcheries qui en dépendent.

La pollution impose un tribut dévastateur, illustré par les zones mortes créées par l'écoulement des nutriments venants d'engrais et par le déversement des eaux usées. Aux Etats-Unis, le Fleuve Mississippi transporte des nutriments de la Corn Belt (ceinture de maïs, ndlt) et les eaux usées des villes le long de son itinéraire vers le Golfe du Mexique. La montée de la concentration de nutriments génère des énormes développement d'algues qui meurent ensuite et se décomposent, consommant l'oxygène dissout dans l'eau, et conduit à la mort des poissons. Ceci crée une zone morte chaque été dans le Golfe, qui peut atteindre la taille du New Jersey. Dans le monde entier, il y a maintenant plus de 200 zones mortes dans les océans et les mers, des « déserts » où il n'y a aucun bateau de pêche parce qu'il n'y a plus aucun poisson.

Pendant des décennies les gouvernements ont essayé de sauver des pêcheries spécifiques en limitant la prise d’espèces particulières. Parfois cela a fonctionné; parfois cela a échoué et les pêcheries se sont effondrées. Ces dernières années, le soutien à une autre approche (la création des réserves marines et de parcs marins) se développe. Ces réserves, où la pêche est restreinte, servent d'incubateurs naturels d'alevinage, aidant à repeupler les abords.

En 2002, au Sommet Mondial sur le Développement Durable à Johannesburg, les nations côtières se sont engagées à créer des réseaux nationaux de parcs marins, qui pourraient constituer ensemble un réseau global de parcs. Au Congrès Mondial des Parcs à Durban en 2003, les délégués ont recommandé de protéger de la pêche 20 à 30 pour cent de chaque habitat marin. Ceci permettrait d’augmenter la proportion de 0,6 pour cent des océans qui sont actuellement inclus dans des réserves marines de tailles très variables.

Une équipe de scientifiques britanniques menée par le Dr. Andrew Balmford du groupe de Science de Préservation de l'Université de Cambridge a analysé les coûts de fonctionnement de réserves marines sur une grande échelle, et a conclu que la gestion de réserves couvrant 30 pour cent des océans du monde coûterait de 12 à 14 milliards de dollars (de 9 à 11 milliards d'Euros) par an. L'enjeu de la création d'un réseau global des réserves marines est la protection et l'augmentation possible de la prise annuelle de poissons océaniques d’une valeur de 70 à 80 milliards de dollars (de 55 à 63 milliards d'Euros), ainsi que la création d’un million d'emplois nouveaux.

Un rapport signé en 2001 par 161 scientifiques en pointe dans le domaine marin a réclamé une action d'urgente pour créer le réseau global des réserves marines. Les signataires ont noté à quelle rapidité la vie marine s'améliore une fois que les réserves sont établies. Dans l’année ou les deux ans suivant l'établissement d'une réserve marine, les densités de population ont augmenté de 91 pour cent, la taille moyenne de poissons a cru jusqu’à 31 pour cent, et la diversité des espèces est montée de 20 pour cent.

Même si la création de réserves marines est clairement la priorité n°1 dans l'effort de longue date visant à protéger des écosystèmes marins, d'autres mesures sont également indispensables. L'une d’entre elle est de réduire les flux de nutriments provenant des écoulements d'engrais, et les eaux usées non traitées, qui créent dans le monde environ 200 zones mortes.

En fin de compte, les gouvernements doivent éliminer les subventions de pêche. Il y a maintenant tant de chalutiers que leur potentiel de prise est presque le double de ce que les océans peuvent produire de façon durable. Reconstituer les pêcheries en dépensant 12 à 14 milliards de dollars (de 9 à 11 milliards d'Euros) pour gérer un réseau de réserves marines coûte moins que les 22 milliards de dollars (17 milliards d'Euros) de subventions nocives que les gouvernements distribuent aujourd'hui aux pêcheurs pour vider nos océans.

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Adapté du chapitre 5, “Natural Systems Under Stress,” (Systèmes naturels sous stress, ndlt) et du chapitre 8, “Restoring the Earth,” (Restaurer la Terre, ndlt) dans Plan B 3.0: Mobilizing to Save Civilization (New York: W.W. Norton & Company, 2008) de Lester R. Brown, disponible en téléchargement gratuit et à l'achat sur http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb3

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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