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35 - AUGMENTER LA PRODUCTIVITE DE L'EAU

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Earth Policy Institute
Extrait du livre Plan B 3.0
Pour diffusion immédiate, le 27 août 2008

AUGMENTER LA PRODUCTIVITE DE L'EAU

http://www.earthpolicy.org/Books/Seg/PB3ch09_ss3.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

Tandis que la raréfaction de l'eau émerge comme une contrainte sur la croissance de la production alimentaire, le monde a besoin d'un effort pour élever la productivité de l'eau, similaire à celui qui a presque triplé la productivité agricole pendant la dernière moitié du vingtième siècle. Dans le monde, la productivité moyenne de l'eau d'irrigation est maintenant environ de 1 kilogramme de grain par tonne d'eau utilisée. Comme il faut 1.000 tonnes d'eau pour produire 1 tonne de céréales, il n'est pas surprenant que 70 pour cent de l'eau utilisée dans le monde soit destinée à l'irrigation. Accroître l'efficacité de l'irrigation est donc crucial pour élever la productivité de l'eau dans l'ensemble.

Dans les projets d'eau de surface, c'est à dire des barrages qui fournissent les agriculteurs au travers d'un réseau de canaux, l'utilisation de l'eau d'irrigation pour les cultures n'atteint jamais 100 pour cent simplement parce qu'une partie de l'eau d'irrigation s'évapore, une partie percole vers le bas, et une partie ruisselle. Les analystes sur les politiques de l'eau Sandra Postel et Amy Vickers ont trouvé que “l'efficacité de l'irrigation avec l'eau de surface est comprise entre 25 et 40 pour cent en Inde, au Mexique, au Pakistan, aux Philippines, et en Thaïlande; entre 40 et 45 pour cent en Malaisie et au Maroc; et entre 50 et 60 pour cent en Israël, au Japon, et à Taiwan.” L'efficacité de l'eau d'irrigation est affectée pas seulement par le type et l'état des systèmes d'irrigation mais aussi par le type de sol, la température, et l'humidité. Dans les régions chaudes arides, l'évaporation de l'eau d'irrigation est beaucoup plus grande que dans des régions humides plus froides.

En 2004, le ministre des ressources en eau chinois Wang Shucheng m'expliquait des plans pour accroître l'efficacité de l'irrigation en Chine de 43 pour cent en 2000 à 51 pour cent en 2010, et ensuite à 55 pour cent en 2030. Les étapes qu'il avait décrites incluaient l'augmentation du prix de l'eau, donnant des incitations pour adopter des technologies d'irrigation plus efficaces, et développer les institutions locales pour gérer ce processus. Atteindre ces buts, estimait-il, pourrait assurer la future sécurité alimentaire de la Chine.

Augmenter l'efficacité de l'irrigation de l'eau signifie typiquement changer les systèmes moins efficaces : passer des inondations ou des sillons à des arroseurs aériens ou de la micro-irrigation (goutte à goutte), le standard pour l'efficacité de l'irrigation. Passer des inondations ou des sillons à des systèmes d'arrosage basse pression réduit l'utilisation estimée de l'eau de 30 pour cent, tandis qu'adopter une micro-irrigation réduit typiquement la consommation d'eau par deux. Un système de goutte à goutte augmente aussi les rendements parce qu'il fournit une alimentation en eau continue avec des pertes minimales dues à l'évaporation. Parce que les systèmes de goutte à goutte sont à la fois intensifs en travail et efficaces en eau, ils sont bien adaptés à des pays avec un surplus de travail et un manque d'eau.

Quelques petits pays, Chypre, Israël, et la Jordanie, dépendent lourdement de l'irrigation goutte à goutte. Parmi les trois grands producteurs agricoles, cette technologie plus efficace est utilisée sur 1 à 3 pour cent des terres irriguées en Inde et en Chine et sur environ 4 pour cent aux Etats-Unis.

Au cours des années récentes, des systèmes de micro-irrigation à petite échelle, virtuellement un seau qui utilise la gravité pour distribuer l'eau au travers d'un tubage flexible en plastique, ont été développés pour irriguer des petits potagers avec environ 100 plantes (couvrant 25 mètres carrés). Des systèmes avec des bidons (quelque peu plus grands) irriguent 125 mètres carrés. Les systèmes goutte à goutte utilisant des conduits en plastique qui peuvent facilement être déplacés deviennent également populaires. Ces systèmes simples peuvent s'amortir en un an. En réduisant les coûts de l'eau et en augmentant les récoltes, ils peuvent améliorer de façon significative les revenus des petits fermiers.

Sandra Postel estime que la combinaison de ces technologies de micro-irrigation à différentes échelles a le potentiel pour irriguer de façon profitable 10 millions d'hectares des terres cultivables d'Inde, ou presque un dixième du total. (Elle voit un potentiel similaire pour la Chine, qui agrandit maintenant aussi les zones irriguées au goutte à goutte pour économiser l'eau qui est rare.) Au Punjab, les réserves d'eau en chute rapide ont conduit la commission nationale des agriculteurs en 2007 à recommander un délai pour transplanter le riz de mai à fin juin ou début juillet. Cela pourrait réduire l'utilisation d'eu d'irrigation d'un tiers puisque la transplantation coïnciderait avec l'arrivée de la mousson. Cette réduction de l'utilisation des nappes phréatiques contribuerait à stabiliser la disponibilité en eau, qui sont tombées de 5 mètres sous la surface à 30 mètres dans des régions de cet état indien.

Les changements institutionnels, spécifiquement, déplaçant la responsabilité pour manager les systèmes d'irrigation d'agences gouvernementale vers des associations locales d'utilisateurs d'eau, peuvent faciliter l'utilisation la plus efficace de l'eau. Dans de nombreux pays des agriculteurs s'organisent localement pour assumer cette responsabilité, et puisqu'ils ont un enjeu économique dans la bonne gestion de l'eau, ils ont tendance à faire un meilleur travail qu'une agence gouvernementale distante.

Le Mexique est leader dans le développement des associations d'utilisateurs d'eau. A partir de 2002, les associations d'agriculteurs géraient plus de 80 pour cent des terres du Mexique irriguées par des moyens publics. L'un des avantages de ce changement pour le gouvernement est que le coût de maintenance du système d'irrigation est assumé localement, réduisant les besoins de trésorerie. Cela signifie que les associations ont souvent besoin de facturer l'eau d'irrigation plus cher, mais pour les agriculteurs, la production profite plus de leur propre gestion de l'eau et fait plus qu'équilibrer la dépense supplémentaire.

En Tunisie, où les associations d'utilisateurs d'eau gèrent à la fois l'eau destinée à l'irrigation et celle destinée aux usages résidentiels, le nombre d'associations est passé de 340 en 1987 à 2.575 en 1999, en couvrant la plus grande partie du pays. Beaucoup d'autres pays ont de telles entités pour manager leurs ressources en eau. Même si les premiers groupes ont été organisés pour gérer les grands systèmes d'irrigation développés par le secteur public, certains plus récents ont été constitués pour gérer aussi des irrigations à partir de nappes phréatiques locales. Leur but est de stabiliser le niveau des nappes pour éviter l'épuisement de l'aquifère et le bouleversement économique qu'il entraîne.

Une faible productivité de l'eau est souvent le résultat de prix bas pour l'eau. Dans beaucoup de pays, les subventions conduisent à des prix bas, non rationnels, qui créent l'impression que l'eau est abondante alors qu'en fait elle est rare. Comme l'eau devient rare, son prix doit être fixé en conséquence. Les gouvernements provinciaux du nord de la Chine augmentent les prix de l'eau par petits incréments pour décourager les gaspillages. Un plus grand prix de l'eau affecte tous les utilisateurs d'eau, encourageant ainsi l'investissement dans des technologies d'irrigation, des processus industriels, et des appareils électroménagers plus efficients en eau.

Nous avons maintenant besoin d'une nouvelle façon de voir et de penser l'utilisation de l'eau. Par exemple, utiliser des cultures plus économes en eau là ou c'est possible stimule la productivité de l'eau. La production de riz est supprimée autour de Beijing parce que le riz est une plante tellement assoiffée. L'Egypte restreint aussi sa production de riz. Toutes les mesures qui augmentent la récolte sur des terres irriguées augmentent aussi la productivité de l'eau d'irrigation. De façon similaire, toutes les mesures qui convertissent plus efficacement les céréales en protéines animales augmentent en effet la productivité de l'eau.

Pour les personnes qui consomment des quantités malsaines de produits animaux, descendre le long de la chaîne alimentaire réduit l'utilisation de l'eau. Aux Etats-Unis, où la consommation annuelle de céréales utilisés dans l'alimentation et comme nourriture pour les animaux se situe à 800 kilogrammes (quatre cinquièmes de tonne) par personne, une réduction modeste de la consommation de viande, de lait et d'oeufs pourrait facilement réduire la quantité de céréales par personne de 100 kilogrammes. Pour 300 millions d'américains, une telle réduction réduirait l'utilisation de céréales de 30 millions de tonnes et l'utilisation d'eau d'irrigation de 30 milliards de tonnes.

Réduire l'utilisation d'eau au rendement soutenable des aquifères et des rivières dans le monde implique une grande gamme de mesures pas seulement dans l'agriculture mais aussi au travers de toute l'économie. Les étapes les plus évidentes, en plus de celles que nous venons de mentionner, incluent l'adoption de processus industriels plus efficients en eau et l'utilisation d'appareils électroménagers moins gourmands en eau. Recycler l'eau urbaine est un autre moyen évident à considérer dans les pays faisant face à des pénuries d'eau aiguës.

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Adapté du chapitre 9, “Bien nourrir 8 milliards d'habitants” dans Plan B 3.0: Mobilizing to Save Civilization (New York: W.W. Norton & Company, 2008) de Lester R. Brown, disponible à l'achat et en téléchargement gratuit sur : http://www.earthpolicy.org/index.php?/books/pb3

Information complémentaire: www.earthpolicy.org

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