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27 - LE MONDE CONFRONTÉ A UN ENORME NOUVEAU CHALLENGE
SUR LE FRONT DE LA NOURRITURE

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Earth Policy Institute
Mise à jour du Plan B
Retenu pour le 16 avril 2008, téléconférence de presse à 12 h 00

LE MONDE CONFRONTE A UN ENORME NOUVEAU CHALLENGE SUR LE FRONT DE LA NOURRITURE
Le business comme d'habitude n'est pas une option viable

http://www.earthpolicy.org/Updates/2008/Update72.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

Une pénurie de nourriture en rapide développement est en train d'engloutir le monde entier, en amenant les prix alimentaires à des sommets historiques. Pendant le dernier demi siècle, les prix de céréales ont connu des pics de temps à autre à cause d'événements météorologiques, comme l'échec de la récolte soviétique de 1972 qui a conduit à un doublement des prix mondiaux de blé, de riz, et de maïs. Pourtant, la situation est aujourd'hui entièrement différente. Le prix actuel des céréales qui a doublé est dû à l'effet cumulatif de plusieurs tendances qui sont la croissance accélérée de la demande et quelques autres qui ralentissent la croissance de l'offre.

Le monde n'a jamais expérimenté quelque chose de comparable précédemment. En face de prix alimentaires en hausse et de faim de plus en plus étendue, l'ordre social commence à s'écouler dans plusieurs pays. Dans certaines provinces de Thaïlande, par exemple, des voleurs de bétail fauchent le riz en récoltant les champs la nuit. En réaction, des villageois thaïlandais en sont venus à garder les champs de riz mûrs la nuit, avec des fusils de chasse chargés.

Au Soudan, le Programme Alimentaire Mondial des nations unies (PAM = WFP World Food Programme, ndlt), qui est responsable pour l'approvisionnement de céréales de 2 millions de personnes dans les camps de réfugiés au Darfour, est confronté à une mission pour le moins difficile. Pendant les trois premiers mois de cette année, 56 camions chargés de céréales ont été détournés. A présent, seuls 20 des camions ont été retrouvés et quelques 24 chauffeurs sont toujours portés disparus. Cette menace sur la nourriture fournie par les nations unies aux camps du Darfour a réduit le flux de nourriture dans la région de moitié, et le spectre de la famine menace si les lignes d'approvisionnement ne sont pas sécurisées.

Au Pakistan, où les prix de la farine ont doublé, l'insécurité alimentaire est une source d'inquiétude nationale. Des milliers de troupes armées pakistanaise ont été assignées pour garder les silos de céréales et pour accompagner les camions qui transportent les céréales.

Les révoltes liées à la nourriture deviennent de plus en plus communes. En Egypte, les files d'attente dans les boulangeries qui distribuent le pain subventionné par l'état sont souvent le théâtre de bagarres. Au Maroc, 34 émeutiers pour la nourriture ont été incarcérés. Au Yemen, les émeutes pour la nourriture ont fait des victimes, il y a eu au moins douze morts. Au Cameroun, des douzaines de personnes ont péri dans des émeutes pour la nourriture et des centaines ont été arrêtées. Les autres pays qui connaissent des émeutes pour la nourriture incluent l'Ethiopie, Haïti, l'Indonésie, le Mexique, les Philippines, et le Sénégal. (Voir les autres exemples d'instabilité des prix alimentaires sur www.earthpolicy.org/Updates/2008/Update72_data.htm.)

Le doublement des prix mondiaux de blé, de riz, et de maïs a sévèrement réduit la disponibilité d'aide alimentaire, plaçant les 37 pays qui dépendent de l'assistance alimentaire d'urgence du PAM en péril . En mars, le PAM a étudié une demande urgente pour 500 millions de dollars de fonds supplémentaires.

Autour du monde, une politique de la rareté alimentaire est en train d'apparaître. Plus fondamentalement, cela implique des restrictions d'exportation de céréales par des pays qui veulent contrôler la hausse de leurs prix alimentaires domestiques. La Russie, l'Ukraine, et l'Argentine comptent parmi les gouvernements qui sont actuellement en train de restreindre les exportations de blé. Les pays qui restreignent les exportations de riz comprennent le Vietnam, le Cambodge, et l'Egypte. Ces restrictions d'exportations font simplement monter les prix sur les marchés mondiaux.

L'approvisionnement en nourriture chroniquement serré que le monde connaît maintenant est conduit par l'effet cumulatif de plusieurs tendances bien établies qui affectent à la fois l'offre et la demande globale. Du côté de la demande, la tendance inclut le rajout continuel de 70 millions de personnes par an à la population mondiale, le désir de quelques 4 milliards de personnes à faire évoluer leur nourriture et à consommer plus de produits animaux (nourris aux céréales), et la récente accélération de l'utilisation des céréales américaines pour produire de l'éthanol pour les voitures. Depuis 2005, cette dernière source de demande a fait croître la consommation annuelle de céréales mondiale d'environ 20 millions de tonnes à 50 millions de tonnes.

Cependant du côté de l'offre, il existe peu de nouvelles terres à donner aux charrues à moins de déforester des forêts tropicales en Amazonie, au bassin du Congo et en Indonésie, ou de défricher des terres au cerrado brésilien, une région de savane au sud de la forêt tropicale amazonienne. Malheureusement cela a un coût environnemental élevé, la libération du carbone séquestré, la disparition d'espèces de plantes et d'animaux accrus, un ruissellement des eaux de pluie augmenté et une érosion du sol. Et dans de nombreux pays de très bonnes terres cultivables sont perdues au profit de constructions industrielles et résidentielles ou de la construction de routes, d'autoroutes, et de parkings pour des flottes automobiles en croissance rapide.

Les nouvelles sources d'eau pour l'irrigation sont encore plus rares que les nouvelles terres à labourer. Pendant la deuxième moitié du vingtième siècle, les zones irriguées dans le monde ont presque triplé passant de 94 millions d'hectares en 1950 à 276 millions d'hectares en 2000. Dans les années qui ont suivi, il n'y a pratiquement pas eu de croissance. Le résultat est que la zone irriguée par personne est en train de décroître de 1 pour cent par an.

Pendant ce temps, la réserve de technologie agricole pouvant être utilisée pour augmenter la productivité des terres agricoles s'amenuise. Entre 1950 et 1990 les agriculteurs du monde ont accru la productivité des terres à céréales de 2.1 pour cent par an, mais de 1990 à 2007 ce taux de croissance est descendu à 1.2 pour cent par an. Et le prix croissant du pétrole fait grimper les coûts de la production de nourriture et du transport, pendant qu'au même moment il rend plus profitable la conversion des céréales en carburants pour les voitures.

Au delà de cela, le changement climatique présente des risques nouveaux. Des vagues de chaleur décimant les cultures, des tempêtes plus destructrices, et la fonte des glaciers des montagnes d'Asie qui alimentent le flux des plus grands fleuves de la région pendant la saison sèche, se combinent pour rendre l'expansion de la récolte plus difficile. Dans le passé, l'effet négatif d'événements climatiques a toujours été passager. En l'espace d'un an ou deux les choses revenaient à la normale. Mais avec le climat en mouvement, il n'y a plus de normale à laquelle on puisse revenir.

L'effet collectif de ces tendances rend de plus en plus difficile pour les agriculteurs de garder le rythme de la croissance de la demande. Pendant sept des huit dernières années, la consommation de céréales a dépassé la production. Après sept années de stocks qui s'amenuisent, les stocks permettant d'attendre la récolte suivante de céréales mondiales en 2008 sont tombés à 55 jours de consommation mondiale, le plus bas jamais enregistré. Le résultat est une nouvelle ère de restriction dans l'approvisionnement en nourriture, des prix alimentaires en hausse, et une instabilité politique. Avec des stocks de céréales à un plus bas historique, le monde n'est plus qu'à une mauvaise récolte d'un chaos total dans les marchés mondiaux de céréales.

Le business comme d'habitude n'est plus une option viable. La sécurité alimentaire va continuer à se détériorer à moins que les pays riches puissent se mobiliser collectivement pour stabiliser la population, restreindre l'utilisation des céréales pour produire des carburants automobiles, stabiliser le climat, stabiliser le niveau des nappes phréatiques et des aquifères, protéger les terres agricoles, et conserver les sols. Stabiliser la population n'est pas simplement une question de moyens contraceptifs et de services de planning familial. Un effort mondial pour éradiquer la pauvreté est aussi nécessaire. Eliminer les pénuries d'eau exige un effort global pour augmenter la productivité de l'eau, similaire à l'effort lancé il y a un demi siècle pour augmenter la productivité de la terre, une initiative qui a pratiquement triplé le rendement mondial de céréales par hectare. Aucun de ces objectifs ne peut être atteint rapidement, mais des progrès dans chacun d'eux sont essentiels pour restaurer un semblant de sécurité alimentaire.

Cette situation troublante ne ressemble à aucune autre que le monde ait connu précédemment. Le challenge n'est pas simplement de gérer la hausse temporaire des prix de céréales, comme dans le passé, mais plutôt de rapidement contrer ces tendances dont les effets cumulatifs menacent collectivement la sécurité alimentaire qui est est le signe de la civilisation. Si la sécurité alimentaire ne peut être rétablie rapidement, l'agitation sociale et l'instabilité politique vont se répandre et le nombre d'états en faillite va probablement augmenter de façon dramatique, menaçant la complète stabilité de la civilisation elle-même.

 

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Pour des éléments plus détaillés, voir le Plan B 3.0, disponible gratuitement en téléchargement : www.earthpolicy.org.

Informations et ressources complémentaires sur : www.earthpolicy.org

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