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25 - LES GLACIERS QUI FONDENT VONT REDUIRE LA RECOLTE CHINOISE ET INDIENNE

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Earth Policy Institute
Mise à jour du Plan B
Retenu pour le 20 mars 2008, téléconférence de presse à 12 h 00

LES GLACIERS QUI FONDENT VONT REDUIRE LA RECOLTE CHINOISE ET INDIENNE

http://www.earthpolicy.org/Updates/2008/Update71.htm

Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka

Le monde fait maintenant face à une baisse de la disponibilité d’eau d’irrigation fournie par les fleuves, induite par le climat. Les glaciers de l’Himalaya et du Plateau Tibet-Qinghai fondent et pourraient bientôt priver les principaux fleuves d’Inde et de Chine de la glace fondue nécessaire pour les alimenter pendant la saison sèche. Dans les bassins fluviaux du Gange, du Fleuve Jaune, et du Yangtze, où l’agriculture irriguée dépend fortement des fleuves, cette perte du débit de la saison sèche va réduire les récoltes.

Le monde n’a jamais fait face à une telle menace, massive et prévisible, sur la production alimentaire que celle posée par les glaciers qui fondent en Asie. La Chine et l’Inde sont les premiers producteurs mondiaux de blé et de riz, bases alimentaires de l’humanité. La récolte de blé Chinoise est pratiquement le double de celle des Etats-Unis, qui se place troisième après l’Inde. Quand au riz, ces deux pays sont de loin les premiers producteurs, car ils totalisent ensemble plus de la moitié de la récolte mondiale.

Le Groupement Intergouvernemental des Experts du Climat rapporte que les glaciers himalayens reculent rapidement et que beaucoup pourraient fondre entièrement avant 2035. Si le glacier géant Gangotri qui fournit 70 pour cent du débit du Gange pendant la saison sèche disparaît, le Gange pourrait devenir un fleuve saisonnier, s’écoulant pendant la saison humide, mais pas pendant la saison sèche de l’été quand les besoins d’eau pour l’irrigation sont les plus importants.

Yao Tandong, l’un des meilleurs glaciologues chinois, indique que les glaciers sur le Plateau du Tibet-Qinghai en Chine occidentale sont en train de fondre à une vitesse accélérée. Il pense que les deux tiers de ces glaciers pourraient avoir disparus en 2060, réduisant grandement le débit en saison sèche du fleuve Jaune et du Yangtze. Comme le Gange, le fleuve Jaune, qui s’écoule au travers de la partie aride au nord de la Chine, pourrait aussi devenir saisonnier. Si cette fonte de glaciers se poursuit, indique Yao, “[elle] va certainement conduire à une catastrophe écologique.”

Même si l’Inde et la Chine sont confrontées à futures perturbations dans le débit des fleuves, le pompage excessif est en train d’appauvrir les ressources d’eau souterraines que les deux pays utilisent pour l’irrigation. Par exemple, les nappes phréatiques diminuent partout sous la plaine de la Chine du nord, la principale région productrice de céréales. Quand un aquifère est épuisé, le taux de pompage est nécessairement réduit au taux de renouvellement. En Inde, les nappes phréatiques baissent et les puits s’assèchent dans presque chaque état.

En plus de cette contraction inquiétante des ressources d’eau souterraines, perdre l’eau des fleuves utilisée pour l’irrigation pourrait conduire à des pénuries alimentaires ingérables sur le plan politique. Le Gange, par exemple, qui est la plus importante source d’eau d’irrigation de surface en Inde, est aussi la source d’eau principale pour les 407 millions de personnes qui vivent dans le bassin du Gange.
En Chine, à la fois le fleuve Jaune et le Yangtze dépendent beaucoup de la glace fondue pour leur flux pendant la saison sèche. Le bassin du fleuve Jaune est l’habitat de 147 millions de personnes dont le destin est étroitement lié au fleuve à cause des faibles chutes de pluie dans le bassin. Le Yangtze est la plus importante source d’eau d’irrigation de surface de la Chine, contribuant à produire plus de la moitié de la récolte de 130 millions de tonnes de riz de la Chine. Elle répond aussi à d’autres besoins en eau des 368 millions de personnes du bassin fluvial. (Voir les informations sur http://www.earthpolicy.org/Updates/2008/Update71_data.htm.)

La population des bassins fluviaux du Yangtze ou du Gange est plus grande que celle de tout autre pays que la Chine ou l’Inde. Et la diminution continue de l’approvisionnement en eau souterraine et la diminution prospective de l’approvisionnement en eau des fleuves se produit à l’encontre d’un contexte démographique ébouriffant: d’ici 2050 l’Inde devrait ajouter 490 millions de personnes et la Chine 80 millions.

Dans un monde où le prix des céréales ont récemment grimpé à des niveaux records, avec aucune accalmie en vue, toute perturbation des récoltes de blé ou de riz dues à des manques d’eau dans ces deux principaux pays producteurs de céréales vont affecter fortement non seulement les populations qui y vivent mais aussi les consommateurs partout ailleurs. Dans ces deux pays, les prix alimentaires vont probablement augmenter et la consommation de céréales par personne va certainement baisser. En Inde, où juste plus de 40 pour cent de tous les enfants sous l’âge de cinq ans sont insuffisamment nourris et ont un poids trop faible, la faim va s’intensifier et la mortalité infantile va certainement s’accroître.

Pour la Chine, un pays qui lutte déjà pour limiter l’inflation des prix alimentaires, il pourrait aussi y avoir un mécontentement social accru tandis que la fourniture de nourriture se rétrécit. La sécurité alimentaire en Chine est un sujet hautement sensible. Quiconque en Chine est âgé de plus de 50 ans est un survivant de la Grande Famine de 1959–61, où selon les chiffres officiels, 30 millions de chinois sont morts de faim. C’est aussi pourquoi Beijing a travaillé durement dans les dernières décennies pour maintenir l’auto suffisance en céréales.

Tandis que les restrictions alimentaires se répandent, la Chine va essayer de maintenir bas les prix alimentaires domestiques en utilisant ses réserves massives de dollars pour importer des céréales, la plupart depuis les Etats-Unis, le premier exportateur de céréales. Même la Chine, qui il y a une dizaine d’année était essentiellement auto suffisante en soja, en importe 70 pour cent maintenant, facilitant l’atteinte de prix records pour le soya. Quand la disponibilité de l’eau d’irrigation diminue, les consommateurs chinois seront en concurrence avec les américains pour les récoltes de céréales américaines. L’Inde aussi essaiera d’importer de grandes quantités de céréales, même si elle manque de ressources économiques pour le faire, spécialement si les prix des céréales continuent d’augmenter. Beaucoup d’indiens seront obligés de se serrer la ceinture davantage, y compris ceux qui n’ont plus de crans à leurs ceintures.

Les glaciologues nous ont donné un sens aigu de la vitesse à laquelle les glaciers rétrécissent. Le défi actuel est de traduire leurs découvertes dans les politiques énergétiques nationales conçues pour sauver les glaciers. L’enjeu n’est pas seulement le futur des glaciers, mais aussi le futur des récoltes de céréales mondiales.

L’ alternative à ce scénario qui menace la civilisation est d’abandonner les politiques énergétiques du business comme d’habitude. De bouger pour réduire les émissions de dioxyde de carbone de 80 pour cent, pas d’ici 2050 comme beaucoup de responsables politiques le suggèrent, (ce sera trop tard) mais en 2020, comme cela est expliqué dans le Plan B 3.0: Mobiliser pour sauver la civilisation. (Téléchargez le sur http://www.earth-policy.org/Books/PB3/index.htm.) La première étape est de proscrire les nouvelles centrales thermiques au charbon, un mouvement qui gagne de la vitesse aux Etats-Unis.

Ironiquement, les deux pays qui planifient de construire la plupart des nouvelles centrales thermiques au charbon, la Chine et l’Inde, sont précisément ceux dont la sécurité alimentaire est la plus fortement menacée par le carbone émis par la combustion du charbon. C’est maintenant dans leur intérêt d’essayer de sauver leurs glaciers en transférant leurs investissements énergétiques des centrales thermiques au charbon vers l’efficacité énergétique et les fermes d’éoliennes, des centrales solaires thermiques, et des centrales géothermiques. La Chine, par exemple, peut doubler sa capacité de production électrique actuelle grâce à la seule énergie éolienne.

Nous avons appris en étudiant les civilisations anciennes qui ont décliné et se sont effondrées que c’étaient souvent des récoltes de plus en plus réduites qui en étaient la cause. Pour les sumériens, c’étaient des concentrations de sel croissantes dans le sol qui ont réduit les rendements de blé et d’orge et ont abattu cette remarquable civilisation ancienne. Pour les mayas, c’était l’érosion du sol suivant la déforestation qui a torpillé leur agriculture et a été l’étape du déclin. Pour notre civilisation du vingt et unième siècle, ce sont les concentrations atmosphériques croissantes de dioxyde de carbone (CO2) et les hausses de températures associées qui menacent les futures récoltes.

L’enjeu est de savoir si nous pouvons nous mobiliser pour faire décroître les concentrations atmosphériques de CO2 avant que des températures plus élevées fassent fondre les glaciers qui alimentent les plus grands fleuves d’Asie et d'ailleurs, et avant que les récoltes réduites conduisent à la fin de notre civilisation. La bonne nouvelles est que nous avons les technologies d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables pour réduire de façon très importante les concentrations de CO2 si nous choisissons de le faire.

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Lester R. Brown est le président du Earth Policy Institute.

Pour des éléments plus détaillés sur ce sujet, voir le chapitre 3, 11, and 12 de Plan B 3.0, disponible gratuitement en téléchargement : www.earthpolicy.org.

Informations et ressources complémentaires sur www.earthpolicy.org.
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